Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                               267
la comprendre ; et si Dieu n'est en effet que la vérité elle-même,
la vérité des vérités, c'est aller tour à tour de Dieu à l'homme
 et de l'homme à Dieu, pour rendre l'un intelligible à l'autre,
et celui-ci intelligent de celui-là ; le dirai-je, c'est exercer une
 espèce de sacerdoce, dont paraît investi celui qui prend ainsi
sur lui d'intervenir doctement entre le Créateur et la créature
pour les mieux rapprocher dans une communion toute spiri-
tuelle. Or, s'il en est ainsi, si je n'estime pas trop haut la
charge qui nous est imposée, jugez, Messieurs, en supposant
que nous n'en soyons pas tout à fait indignes, quels scrupules
et quelle sollicitude doivent se mêler à nos études, quelles in-
 quiétudes à nos recherches, quelle gravité à nos méditations ;
jugez de ce qu'il en est quand, après tout ce travail, il nous ar-
rive de douter, soit des choses, soit de nous-mêmes, soit aussi
 de ceux qui viennent nous écouter ; et lors même que nous
parvenons à avoir intérieurement quelque confiance en nos
idées, le moment venu de paraître, et de parler au public,
quelles dernières et plus tristes craintes ne nous assiègent pas
l'esprit, quelle fièvre impatiente ne l'excite et ne l'agite pas,
heureux encore quand elle ne va pas jusqu'au trouble et à la
 confusion! Voilà,Messieurs, notre métier; dites s'il n'est pas
une épreuve ; dites si surtout il n'en fut pas une pour l'esprit
généreux que nous avons perdu, et qui l'accepta et le pratiqua
autant que lui permirent ses forces, avec un dévoûment et une
 application qu'il ne déploya pas moins dans l'obscurité d'une
 classe de collège que dans les conférences de l'Ecole normale,
 et dans le secret de l'intimité que dans l'éclat de cette chaire.
 Je respecte trop, Messieurs, sa mémoire et sa noble vie, je res-
 pecte trop aussi votre équité et vos lumières, je ne dis pas pour
justifier, mais même pour expliquer ces interruptions de ses
 cours auxquelles il était condamné : la raison en est aujour-
 d'hui malheureusement trop manifeste. Mais cependant il faut
 bien dire combien ces longs silences, commandés par la pru-