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263 nombreux amis qui s'y pressaient, devant cette tombe où le même recueillement suivit et laissa celui que nous pleurions, il m'avait fallu prendre la parole, je n'en doute pas, Messieurs, les mots m'auraient manqué. Aussi ai-je dû attendre que, remontant dans cette chaire, j'y eusse revu, pour me raffer- mir, le ciel encore bien austère, mais cependant un peu plus serein, de laraison et de la philosophie. Je veux suivre, comme je vous l'ai dit, dans son application à quelques circonstances de la destinée de M. Jouffroy, la doc- trine qui enseigne l'épreuve en cette vie et la justice dans l'autre. Dans ce dessein, je pourrais peut-être chercher et trouver dans son enfance des signes déjà sensibles qui annonceraient que cette ame d'élite, de si bonne heure curieuse, rêveuse et recueillie, était dès lors inquiétée de ces tourments de la pen- sée, dont plus tard, à sa gloire sans doute, mais aussi trop souvent au prix de son repos, elle fut si profondément agitée et travaillée ; et je les reconnaîtrais à cette passion de la lec- ture qui, tout jeune, le possédait au point de lui faire oublier les jeux et les plaisirs de son âge ; à cette vive imagination qui, les livres fermés, lui remettait sous les yeux les tableaux qu'il y avait vus, les faisait revivre, les animait, et, comme il le racontait, les répandait pleins de mouvement autour de lui sur ses montagnes ; à ce besoin d'analyse qui, comme il le di- sait aussi, le portait à rechercher, et, ajoutait-il en souriant, quand on y mettait quelque complaisance, à retrouver jus- qu'aux impressions de cette vie confuse, mystérieuse, passée au sein de la mère ; je les reconnaîtrais également à ce sérieux souci du bien qui, dans la liberté d'éducation qu'il ne cessa jamais d'avoir, le régla toujours de manière à imprimer à sa conduite un caractère de mesure, de réserve chaste et digne, dont jamais il ne se relâcha; enfln je les reconnaîtrais à tous ces sentiments élevés, fermes et doux à la fois, dont plus tard et