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 nombreux amis qui s'y pressaient, devant cette tombe où le
 même recueillement suivit et laissa celui que nous pleurions,
 il m'avait fallu prendre la parole, je n'en doute pas, Messieurs,
 les mots m'auraient manqué. Aussi ai-je dû attendre que,
 remontant dans cette chaire, j'y eusse revu, pour me raffer-
 mir, le ciel encore bien austère, mais cependant un peu plus
 serein, de laraison et de la philosophie.
    Je veux suivre, comme je vous l'ai dit, dans son application
 à quelques circonstances de la destinée de M. Jouffroy, la doc-
 trine qui enseigne l'épreuve en cette vie et la justice dans
 l'autre.
    Dans ce dessein, je pourrais peut-être chercher et trouver
 dans son enfance des signes déjà sensibles qui annonceraient
 que cette ame d'élite, de si bonne heure curieuse, rêveuse et
 recueillie, était dès lors inquiétée de ces tourments de la pen-
sée, dont plus tard, à sa gloire sans doute, mais aussi trop
souvent au prix de son repos, elle fut si profondément agitée
 et travaillée ; et je les reconnaîtrais à cette passion de la lec-
ture qui, tout jeune, le possédait au point de lui faire oublier
les jeux et les plaisirs de son âge ; à cette vive imagination
 qui, les livres fermés, lui remettait sous les yeux les tableaux
 qu'il y avait vus, les faisait revivre, les animait, et, comme il
le racontait, les répandait pleins de mouvement autour de lui
sur ses montagnes ; à ce besoin d'analyse qui, comme il le di-
sait aussi, le portait à rechercher, et, ajoutait-il en souriant,
quand on y mettait quelque complaisance, à retrouver jus-
qu'aux impressions de cette vie confuse, mystérieuse, passée
au sein de la mère ; je les reconnaîtrais également à ce sérieux
souci du bien qui, dans la liberté d'éducation qu'il ne cessa
jamais d'avoir, le régla toujours de manière à imprimer à sa
conduite un caractère de mesure, de réserve chaste et digne,
dont jamais il ne se relâcha; enfln je les reconnaîtrais à tous
 ces sentiments élevés, fermes et doux à la fois, dont plus tard et