Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   223
 par ses effets, de même la nature des substances se révèle par leurs
 phénomènes, leurs qualités, leurs accidents, leurs déterminations. II
 n'y a rien à chercher au-delà. Vouloir connaître les causes en elles-
 mêmes, les substances en elles-mêmes, séparées de leurs effets et de
 leurs modes, c'est aspirer, non pas, comme on le dit trop souvent, à
 une connaissance impossible à l'homme, mais à une connaissance
 fausse, à une chimère, car il n'y a ni cause pure ni substance pure.
 Dieu n'est pas plus une substance sans attributs que l'esprit de
 l'homme, sans quoi il serait pour lui-même comme s'il n'était pas.
 Ce prétendu idéal de la connaissance n'est qu'une abstraction dont
 on se tourmente pour trouver la réalité; puis, quand on s'est bien dé-
 montré à soi-même que cette réalité nous échappe nécessairement,
 on croit avoir posé les limites de l'esprit humain, on n'a fait que
 constater l'inanité d'un fantôme. Il n'y a pas de sujet pensant en gé-
 néral, il n'y a pas d'esprit en soi, il n'y a pas d'être en soi; il n'y a
 que des êtres déterminés, et Dieu lui-même, l'être des êtres, réu-
 nit dans son sein l'individualité à l'universalité, s'il sait qu'il est,
 tout immense et infini qu'il puisse être, et s'il dit je, ainsi que
 l'homme.
    Le moi est donc un esprit, non pas un esprit pur, mais un esprit
 qui se manifeste par certaines qualités qui lui révèlent à lui-même sa
 nature, sa nature spirituelle. Voilà ce que nous savons certainement
 dans ce monde tel qu'il est et dans les conditions actuelles de notre
existence; mais de ce que le moi est un esprit, s'ensuit-il nécessaire-
 ment qu'il soit immortel? C'est ici qu'il faut faire sa part à une juste
circonspection. Puisque le moi est essentiellement distinct du corps,
il peut lui survivre ; mais le moi étant en relation permanente avec le
corps, en dépend aussi pour son développement : ce développement
persistera-t-il et le même et tout entier en dehors de ses conditions
actuelles, après la dissolution des organes au milieu desquels il a lieu
présentement? Yoilàce que le témoignage de la conscience, ce que le
 témoignage de la psychologie ne prouve pas directement ; il faut
donc s'adresser à une autre science, à un autre ordre de considéra-
tions, et demander à la morale d'achever l'œuvre de la métaphysique.
Nous ne sommes donc pas éloignés de partager l'opinion exprimée
dans le passage suivant de la Critique, tout en faisant nos réserves