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de soi-même saisisse ce qui est dans l'esprit, il faut qu'il en soit
affecté ; c'est à cette seule condition que nous pouvons avoir une in-
tuition de nous-mêmes, intuition dont laforme, existant originaire-
ment dans l'esprit, détermine par la représentation du temps la ma-
nière dont la diversité se produit dans l'esprit ; car celui-ci s'aperçoit
lui-même, non pas comme s'il se représentait immédiatement et
spontanément, mais d'après le mode suivant lequel il est intérieure-
ment affecté, et par conséquent tel qu'il apparaît à lui-même et non
tel qu'il est. »
    Ce passage, embarrassé et assez superficiel malgré un certain air
de profondeur, n'était pas dans la première édition de la Critique de
la raison pure, celle de 1781, et se trouve seulement dans la seconde
édition de 1787; il contient les seules preuves, qu'à la réflexion,
Kant essaya d'apporter de cette étrange prétention, qui aurait
effrayé Locke lui-même, et qui semble avoirété empruntée par Kant
au Traité des Sensations, au système de la sensation transformée, à
savoir que la conscience n'est qu'un mode de la sensibilité. La né-
gligence inconcevable avec laquelle cette prétention est avancée et
comme cachée dans un coin de l'esthétique transcendentale, l'a jus-
qu'ici dérobée à l'attention, tandis qu'elle mériterait un examen ap-
profondi ; car elle contient des conséquences énormes ; elle est la
racine inaperçue de tout le système de Kant. Regardez-y de près,
vous ne trouverez dans le passage que je viens de citer que deux ar-
guments : 1° la conscience suppose une certaine affection, et toute
affection se rapporte à la sensibilité. Mais, de ce que la conscience
est accompagnée d'une affection, s'ensuit-il qu'elle ne soit qu'une
affection? Les jugements du vrai, du bien, du beau, sont presque
toujours accompagnés de certains sentiments ou affections qui les
enveloppent et les simulent. Cela n'a pas empêché Kant de les con-
sidérer en eux-mêmes, et de les rapporter à la raison et non pas à la
sensibilité. Il en est de même de la conscience : c'est une apercep-
tion intellectuelle en elle-même, quoiqu'elle soit mêlée d'une affec-
tion plus ou moins vive ; elle a son autorité propre, sa certitude iné-
branlable, la première de toutes les certitudes en date et en impor-
tance ; 2° la conscience n'est pas spontanée ; donc elle n'est pas
 intellectuelle. Si, par spontanéité, Kant entendait la volonté, nous