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206 de soi-même saisisse ce qui est dans l'esprit, il faut qu'il en soit affecté ; c'est à cette seule condition que nous pouvons avoir une in- tuition de nous-mêmes, intuition dont laforme, existant originaire- ment dans l'esprit, détermine par la représentation du temps la ma- nière dont la diversité se produit dans l'esprit ; car celui-ci s'aperçoit lui-même, non pas comme s'il se représentait immédiatement et spontanément, mais d'après le mode suivant lequel il est intérieure- ment affecté, et par conséquent tel qu'il apparaît à lui-même et non tel qu'il est. » Ce passage, embarrassé et assez superficiel malgré un certain air de profondeur, n'était pas dans la première édition de la Critique de la raison pure, celle de 1781, et se trouve seulement dans la seconde édition de 1787; il contient les seules preuves, qu'à la réflexion, Kant essaya d'apporter de cette étrange prétention, qui aurait effrayé Locke lui-même, et qui semble avoirété empruntée par Kant au Traité des Sensations, au système de la sensation transformée, à savoir que la conscience n'est qu'un mode de la sensibilité. La né- gligence inconcevable avec laquelle cette prétention est avancée et comme cachée dans un coin de l'esthétique transcendentale, l'a jus- qu'ici dérobée à l'attention, tandis qu'elle mériterait un examen ap- profondi ; car elle contient des conséquences énormes ; elle est la racine inaperçue de tout le système de Kant. Regardez-y de près, vous ne trouverez dans le passage que je viens de citer que deux ar- guments : 1° la conscience suppose une certaine affection, et toute affection se rapporte à la sensibilité. Mais, de ce que la conscience est accompagnée d'une affection, s'ensuit-il qu'elle ne soit qu'une affection? Les jugements du vrai, du bien, du beau, sont presque toujours accompagnés de certains sentiments ou affections qui les enveloppent et les simulent. Cela n'a pas empêché Kant de les con- sidérer en eux-mêmes, et de les rapporter à la raison et non pas à la sensibilité. Il en est de même de la conscience : c'est une apercep- tion intellectuelle en elle-même, quoiqu'elle soit mêlée d'une affec- tion plus ou moins vive ; elle a son autorité propre, sa certitude iné- branlable, la première de toutes les certitudes en date et en impor- tance ; 2° la conscience n'est pas spontanée ; donc elle n'est pas intellectuelle. Si, par spontanéité, Kant entendait la volonté, nous