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95 de notre temps d'une importance générale ; mais l'empresse- ment dont j'ai été l'objet, cette émotion de tous les cœurs que je pouvais clairement apercevoir en entrant ici, me prouvent que la philosophie a cessé d'être une affaire d'école et qu'elle est devenue l'affaire d'une nation entière. L'histoire de la phi- losophie allemande est intimement liée, dès son commence- ment, à l'histoire du peuple allemand. Lorsque le grand acte de la délivrance fut accompli par la réformation, chacun se promettait tout naturellement de ne plus rester en repos que les objets les plus relevés, que jusqu'alors on avait reconnu aveu- glement, fussent tombés dans le domaine de la raison. Du temps du plus profond avilissement, la philosophie soutint le courage des Allemands, et sur les débris de leur grandeur dé- truite les hommes d'énergie plantèrent le drapeau de la science allemande autour duquel la jeunesse accourait de toutes parts. C'est dans les écoles des philosophes qu'ils puisèrent cette intrépidité, ce courage et ce coup d'œil qu'ils eurent plus tard l'occasion d'exercer dans des arènes bien différentes. Qui ne se rappelle Fichte et Schleiermacher ! Plus tard encore, la philo- sophie resta l'héritage et la gloire des Allemands. Et des mou- vements si glorieux et si durables finiraient par un honteux naufrage, par l'anéantissement de tant de convictions si sublimes et par la mort de la philosophie elle-même! Non jamais ! C'est parce que je suis un Allemand moi-même et que j'ai subi al- ternativement le bien et le mal, la souffrance et le bien-être de ma patrie, que je me trouve ici : car le salut des Allemands est dans la science. C'est avec ces sentiments, Messieurs, que je suis venu ici, sans d'autres armes que la vérité, sans prétendre à d'autre protection qu'à celle que la vérité offre par sa propre force, sans demander pour moi d'autre droit que celui que je désire voir conserver sans inquiétude à chacun de vous, le droit de la libre investigation et la liberté de pouvoir communiquer sans