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à l'atmosphère pesante de nos voisins d'outremer; la Tamise, Wap-
ping prêtent peu à la poésie, encore moins à la couleur. Or, la
couleur est l'évangile de M. Leymarie ; homme de trop de goût pour
se mentir ouvertement à lui-même, il a transigé avec sa conscience
et a cru ne pas faillir à ses croyances en se contentant d'exagérer
îa vérité. Le tonde ses tableaux serait vrai s'il était monté un peu
moins haut; c'est surtout, dans sa Marée haute, sur les derniers plans
des parties sombres et dans la forêt de mâts qui s'élèvent à l'iiori-
son, que le ton gris violacé, particulier au pays où le raisin ne croît
qu'en serre chaude, nous paraît trop fortement accentué. Dans le
mélange de fumée et de brouillards qui constitue Y air de Londres,
il n'y a rien de si lumineux. Le ciel, où M. Leymarie n'a pu donner
l'essora son pinceau brillant, n'est pas venu avec la facilité qu'on
est habitué à rencontrer chez lui ; les nuages sont plats, et ressem-
blent un peu à un lavis à l'huile. Les mêmes défauts et les mêmes
qualités se retrouvent dans la Marée basse. Les petites vagues qui
viennent mourir sur la plage sont jolies de formes; mais touchées trop
solidement, elles manquent de mouvement; l'effet de ces tableaux a
été refroidi par l'extrême fini des détails, ce qui tue le pittoresque
en arrivant près de la sécheresse. Il est inutile dédire qu'à travers
ces incorrections, il y adans ces deux toiles des parties traitées avec
une grande habileté. Les mâts, les agrès sont touchés très finement
et très adroitement, et un effet de ce pauvre soleil anglais, dans la
Marée haute, est d'une exécution et d'une vérité au-dessus de tout
éloge. Placé très heureusement, il donne une grande profondeur à
cette partie de la toile. En somme, pour être dans un genre qui ne
convient pas au talent de M. Leymarie, ces deux tableaux, s'ils ne
satisfont pas aussi complètement que ceux qu'il a exposés précédem-
ment, le maintiennent à la place qu'il avait conquise.
   La Judith de M. Lefèvre qui a le tort de venir après celle de
Steubcn et de Vernet, est une œuvre dont nous pouvons nous glori-
fier, puisque M. Lefèvre est notre compatriote. L'expression de la fi-
gure de cette femme qui a tranché une tête sans trembler, et qui
frémit ensuite à la vue du sang qui couvre ses mains, est sentie, et
rendue avec infiniment d'esprit. L'attitude, les bras, le geste, sont
pleins d'énergie et de vérité; il y a un accent de résolution dans les