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66 à l'atmosphère pesante de nos voisins d'outremer; la Tamise, Wap- ping prêtent peu à la poésie, encore moins à la couleur. Or, la couleur est l'évangile de M. Leymarie ; homme de trop de goût pour se mentir ouvertement à lui-même, il a transigé avec sa conscience et a cru ne pas faillir à ses croyances en se contentant d'exagérer îa vérité. Le tonde ses tableaux serait vrai s'il était monté un peu moins haut; c'est surtout, dans sa Marée haute, sur les derniers plans des parties sombres et dans la forêt de mâts qui s'élèvent à l'iiori- son, que le ton gris violacé, particulier au pays où le raisin ne croît qu'en serre chaude, nous paraît trop fortement accentué. Dans le mélange de fumée et de brouillards qui constitue Y air de Londres, il n'y a rien de si lumineux. Le ciel, où M. Leymarie n'a pu donner l'essora son pinceau brillant, n'est pas venu avec la facilité qu'on est habitué à rencontrer chez lui ; les nuages sont plats, et ressem- blent un peu à un lavis à l'huile. Les mêmes défauts et les mêmes qualités se retrouvent dans la Marée basse. Les petites vagues qui viennent mourir sur la plage sont jolies de formes; mais touchées trop solidement, elles manquent de mouvement; l'effet de ces tableaux a été refroidi par l'extrême fini des détails, ce qui tue le pittoresque en arrivant près de la sécheresse. Il est inutile dédire qu'à travers ces incorrections, il y adans ces deux toiles des parties traitées avec une grande habileté. Les mâts, les agrès sont touchés très finement et très adroitement, et un effet de ce pauvre soleil anglais, dans la Marée haute, est d'une exécution et d'une vérité au-dessus de tout éloge. Placé très heureusement, il donne une grande profondeur à cette partie de la toile. En somme, pour être dans un genre qui ne convient pas au talent de M. Leymarie, ces deux tableaux, s'ils ne satisfont pas aussi complètement que ceux qu'il a exposés précédem- ment, le maintiennent à la place qu'il avait conquise. La Judith de M. Lefèvre qui a le tort de venir après celle de Steubcn et de Vernet, est une œuvre dont nous pouvons nous glori- fier, puisque M. Lefèvre est notre compatriote. L'expression de la fi- gure de cette femme qui a tranché une tête sans trembler, et qui frémit ensuite à la vue du sang qui couvre ses mains, est sentie, et rendue avec infiniment d'esprit. L'attitude, les bras, le geste, sont pleins d'énergie et de vérité; il y a un accent de résolution dans les