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356         LETTRES SUR UN VOYAGE EN FRANCE

    « Le pont, pendant ce temps-là, s'étoit élevé ; des
arbres avoient été plantés et quelques maisons construites.
Malgré l'état désastreux de la compagnie, elle continua
ses efforts, réunit tous ses moyens pour reprendre et
achever le pont. Son salut dépendoit de sa conservation,
sa ruine de sa chute. Une crue extraordinaire de la Saône
l'emporta le 15 janvier 1783, et en même temps toutes
ses espérances. Elle avoit alors dépensé 3 millions et en
devoit trois autres, dont 1.500.000 1. à Gênes. La plupart
désintéressés, ruinés par leurs efforts multipliés et malheu-
reux, ne voyoient qu'une insolvabilité peu éloignée. Pour
comble de misère, les terrains conquis sur la Saône, au-
dessous du niveau des deux rivières, se remplirent d'eaux
stagnantes qui répandirent du mauvais air, et. à qui on
attribue les maladies épidémiques qui firent beaucoup de
ravages dans la ville.
   « Pour tâcher de se tirer de cet état de détresse, la com-
pagnie vendit au roi en septembre 1784, sa directe sur tous
ses terrains, à condition qu'en deux ans il prendrait l'enga-
gement de faire les remblais nécessaires et le pont, et de
luy prêter 300.000 1. pour payer pendant quatre ans les
intérêts de l'emprunt de 1.500.000 1. fait à Gênes. Malheu-
reusement, pour différentes causes, en 1786, le tiers des
remblais n'étoit pas fini, et même la construction du pont
n'étoit point adjugée, par conséquent la compagnie ne
pouvoit rien retirer ni de la vente des terrains nouveaux, ni
du péage qui lui étoit accordé. Le terme du payement et
l'engagement de la part du roi étant expirés cette année, le
comte de Laurencin, un des directeurs de cette funeste
entreprise, fut député par sa compagnie pour solliciter du
roy la continuation des 75.000 1. par an. J'ignore le résultat
de sa demande, mais tout le monde a lu dans le compte