Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
         L'ANE DANS LES LITTÉRATURES CLASSIQUES             315

toute taille, et, bien que cette sympathie se traduise trop
souvent par des coups de bâtons, elle n'en est pas moins
réelle.
   Même laid, même vieux, même repoussant, l'âne inspire
toujours au moins de la pitié, et la raison n'en serait peut-
être pas difficile à trouver. Avec le chien et le bœuf, il est
l'un des animaux domestiques qui ont le plus constamment
été soumis à l'influence de l'homme. Le cheval a été domes-
tiqué plus tard, et soit qu'il fût moins intelligent, soit qu'il
fût d'un naturel moins souple, toujours est-il qu'il s'est
moins humanisé. Quant au bœuf, si sa cervelle est grosse,
son esprit est épais et, de ce qu'il y a des hommes qui lui
ressemblent, il ne faudrait pas conclure que ce soit lui qui
ressemble à l'homme.
   Les animaux humains par excellence sont le chien et
l'âne : à force de vivre avec nous, ils ont fini par nous
emprunter quelque chose de ce que nous sommes; c'est
pourquoi l'on ne peut jamais être tout à fait indifférent aux
souffrances de l'un d'eux, à moins de l'être aussi aux
malheurs d'une foule d'hommes, qui sont parfois.beaucoup
moins intéressants qu'un vieux gardien blanchi sous sa
chaîne, ou qu'un misérable baudet usé par la peine et les
mauvais traitements.
   Voilà de bien grandes phrases et des mots bien pompeux,
mais encore fallait-il expliquer le choix d'un tel sujet. En
effet, cette sorte de parenté morale, qui se serait établie
entre l'âne et l'homme en suite de leurs longs rapports,
paraît clairement prouvée par un certain nombre d'oeuvres,
dont les auteurs ne sont pas tous méprisables, d'où il serait,
je crois, assez facile de tirer une psychologie de l'âne,
laquelle ne serait pas très sensiblement différente de la
psychologie de l'homme. Est-ce la faute des auteurs qui