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312 LE CHRIST D'iVOIRE Penché sur le bord, il regarda un moment l'eau qui tourbillonna sous le choc, puis, peu à peu tout s'effaça, comme devait s'effacer de son cœur la dernière joie qui l'attachait à la terre. Il rentra ainsi dans sa cellule, d'où on ne le vit plus sortir que les jours de spaciement et aux heures des offices, tous ses loisirs demeurant consacrés à quelques travaux manuels et à la rédaction de ses mémoires, où il épancha tous les secrets de son âme. * Les autres religieux qui, sous sa direction, s'étaient formés à l'art de la sculpture, continuèrent, dans un ordre plus modeste, leurs travaux. Et ce fut ainsi que se créa, à Bonpas, une école d'artistes, qui s'attachèrent surtout à produire ces groupes de statuettes de la Crèche, que les habitants d'Avignon et des environs recherchaient autrefois, pour en orner leur demeure pendant les jours des fêtes de Noël. Mais la statue de saint Bruno ne fut jamais terminée. Aussi, quand, en 1791, les agents de la Nation, — comme on disait alors, — vinrent procéder à l'inventaire des objets mobiliers, que renfermait la chartreuse de Bonpas, furent-ils étrangement surpris de trouver dans une crypte de l'église, où elle existe encore, cette statue inachevée, mais dont la tête admirablement modelée révélait le ciseau d'un grand artiste. Qua"nt au christ d'ivoire, sa beauté remarquable le sauva, lui aussi, de la destruction. Confisqué et vendu, il passa de mains en mains, jusqu'au jour où, vers 1830, un négociant de Lyon le découvrit chez un marchand d'anti-