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308                  LE CHRIST D'IVOIRE

dévastations qu'ils avaient subies. Mais ces bienfaiteurs sont
venus d'eux-mêmes à notre aide, et, d'ailleurs, les sollici-
tations que nous aurions pu leur adresser, n'auraient fait
qu'amoindrir le mérite des généreux sacrifices, qu'ils se
sont imposés et dont nous leur gardons une éternelle
reconnaissance.
   — Eh bien, soit, reprit Puget, l'auteur de ce christ
demeurera dans sa solitude ; je ne le verrai pas ; je ne lui
adresserai aucun éloge et je ne lui demanderai rien. Mais,
père, dites-moi, au moins, son nom. Ce n'est pas dans cette
chartreuse que celui, qui a ciselé cette merveille, s'est
formé aux règles du grand art. Ce n'est point là, en effet,
une œuvre de début. Avant de s'enfermer dans ce cloître,
il a dû s'inspirer des leçons de quelque grand maître, et
produire plus d'une autre œuvre remarquable. Il a dû
ainsi laisser dans le monde un nom justement honoré et
que je connais sans doute. Eh bien, que je sache, au
moins, comme dernière satisfaction, quel est le grand
artiste qui cache ainsi sa vie et sa renommée dans une
cellule de Bonpas.
   — Son nom, répondit Dom Palémon, je regrette de ne
pouvoir vous le révéler. Que vous dirait, d'ailleurs, son
nom ? Celui qu'il portait dans le monde et sous lequel il a
pu être connu, ne lui appartient plus. Le prieur et lui,
seuls, le connaissent. En entrant dans ce monastère, il a
dû l'oublier lui-même, comme tout religieux oublie les
vaines satisfactions de la vie du monde. Et enchaîné par
le vœu d'humilité que professent les fils de Saint-Bruno, ce
serait vainement que vous le lui demanderiez, il ne vous le
révélerait pas.