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A VENISE 163 « si longtemps, est un accident de voyage très simple, « mais qui paraît combiné pour pousser la curiosité au « dernier degré de l'exaspération. « Entrer dans la demeure de sa chimère les yeux bandés, « est tout ce qu'il y a de plus irritant au monde. » Telles étaient aussi nos amères réflexions, pendant que nous tâchions de faire honneur à l'excellent souper de l'hôtel. Cependant nous fûmes plus heureux que le poète, qui ne voulut pas sortir de sa chambre ce soir-là , attendant au lendemain, disait-il, que h décoration fût éclairée. Pendant le souper, la pluie avait cessé, les étoiles com- mençaient à se montrer au ciel, la nuit promettait d'être belle, les nuées fuyaient, emportées par le vent. Nous nous hasardâmes à sortir du palais Gustiniani. Audaces fortuna juvat. Après avoir traversé de tortueuses ruelles, guidés par un petit groom de l'hôtel (une espèce de Bambino), nous nous trouvons tout d'un coup sur la place Saint-Marc ! Non, tant que je vivrai, je n'oublierai jamais le magni- fique spectacle qui s'offrit alors à ma vue. De chaque côté de cette immense place, s'étendaient les Procuraties neuves et vieilles. Au fond, en face de nous, se détachant en relief sur un ciel encore sombre, se dressait cette merveilleuse église de Saint-Marc, avec ses porches brillants de mosaïque, sa façade à ogives ornementées, du milieu de laquelle sortent les quatre chevaux de bronze, attribués à Lysippe ; tout cet ensemble surmonté de cinq coupoles arrondies, souvenir des dômes de Sainte-Sophie, à Constantinople. Plus j'avançais, plus l'admiration s'emparait de moi, quand, arrivé devant Saint-Marc, en me tournant à droite, hPiazelta apparaît subitement à mes yeux.