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LES SIRES DE BEAUJEU 139 pressions et ses caprices, plutôt que la raison, ne sachant pas même profiter del'expérience du passé (12). Ainsi à ce même Amédée de Savoie, qui venait de lui faire la guerre un an auparavant, Edouard vendit sans réflexion, en 1376, le droit de fief et hommage sur ses terres de Bresse dont il jouissait en franc-alleu. Par cette imprudence, il se mit encore davantage sous la puissance de ;ce prince, à laquelle il aurait dû au contraire chercher à se soustraire à tout prix. Les conséquences d'une si grave imprudence furent désastreuses. Sous le faux prétexte de cette vente, dont il interprétait mal les termes, le comte de Savoie lui souleva une mauvaise chicane. Pour y répondre, le sire de Beaujeu commit une nouvelle faute en commençant, sans prépa- ratifs suffisants, une guerre où il fut naturellement vaincu. (12) A ces défauts qui lui furent si funestes dans sa politique extérieure, Edouard en joignit de plus graves encore dans le gouvernement de ses États. Oubliant les relations sympathiques qui avaient régné entre ses prédécesseurs et leurs sujets, il tyrannisa ses vassaux et traita le Beau- jolais en pays conquis. C'était une sorte de pillage et de brigandage permanents. Dans un acte du Parlement de Paris, il est accusé d'avoir fait tuer les bestiaux et démolir le moulin d'un écuyer appelé de Saint- Amour, d'avoir envahi ses celliers et fait couler son vin à terre. On verra plus au long le triste tableau de ses méfaits, dans les plaintes que ses sujets adressèrent au roi et au Parlement, plaintes que depuis long- temps M. G. Guigue a l'intention de publier. Ces méfaits lui causèrent mille désagréments et finirent par amener sa ruine. Cependant au milieu de tous ses déportements, il lui restait un cer- tain respect des droits ecclésiastiques. Ainsi, vers 1379, comme il con- duisait un prisonnier à son château de Beaujeu, on l'avertit qu'il ne pouvait le faire passer par la grand'porte sans violer le droit d'asile du chapitre; aussitôt, tenant compte de cette observation, il fit le tour de son château pour y entrer par une porte de derrière. (Arch. du Rhône, fonds du chap. de Beaujeu.)