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FÊTE DES VIGNERONS DE VEVEY 143 aux garçons de service retentissaient vainement de tous côtés. Ces scènes de désolation, qui nous rappelaient de loin les souffrances des naufragés de la Méduse, étaient accompagnées d'incidents burlesques qui, malgré notre pitié pour ces affamés, n'en suscitaient pas moins chez nous des rires contagieux. Ainsi une grosse dame généreusement approvisionnée d'énormes tartines de beurre par son mari les avalait coup sur coup sans boire et réclamait d'urgence un liquide quel- conque d'un garçon effaré, harcelé, affolé et qui en poussant le traditionnel Voilà -voilà , s'éclipsait sans rien lui offrir en grimpant l'escalier conduisant des cabines sur le pont. Pendant ce temps la grosse dame suffoquait, devenait cramoisie, s'aploplectisait, tandis que le malheureux mari courait çà et là en levant vers le ciel les bras avec un air désespéré. A cet instant le même garçon glissant toujours le long de la rampe de l'escalier, redescendait en courant et appli- quait en pleine poitrine sur cet infortuné une théière brû- lante qu'il ne .s'attendait pas à recevoir ainsi. A quelques pas plus loin, un Monsieur échauffé courait pour saisir au passage un petit pain, en tenant son chapeau d'une main et de l'autre une tasse de café bouillant. Bous- culé par le garçon il voit le pain lui échapper et par contre la tasse entière se répandre en fumant dans son chapeau d'où s'échappent bientôt d'inquiétantes vapeurs. Il y a des moments pénibles dans la vie ! mais bientôt la vigie signale Vevey, Vevey. A ce nom magique tous les cris s'arrêtent et chacun se précipite sur le pont pour jouir du coup d'œil. Il s'opère alors sur l'Helvétie un mouvement de bascule ;