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100                            « LOUISE »

poussant dans les bras de Pierre, la jeune fille défaillante
et ravie.
   Peu de jours après les fiancés se marient. Et je ne puis
résister au désir de citer les remarquables vers qui terminent
le volume, épithalame digne de l'anthologie :

      Ils marchent, enlacés, vers la colline haute,
      Parmi le crépuscule et son rayonnement.
      Assis sur un rocher noir de mousse, à mi-côte,
      Ils regardent le soir s'attendrir lentement.

      Il lui dit lentement, comme l'on parle en rêve :
      « Mon amour, je ne suis pas un poète, moi !
      Je les jalouserais en vain, ceux que soulève
      Le culte de la femme ou l'élan de la foi.

      Mais, quand je vois ces monts, ces hameaux, ma patrie,
      Quand je t'ai près de moi, devant deux infinis,
      Toute mon âme éclate et tout mon être prie ;
      Mon pays, mon amie et Dieu, je les bénis.

      Ma pensée est obscure, et les mots que j'appelle,
      A l'heure où j'écrirais, fuient toujours sous mes doigts ;
      Mais mon pays est grand, mais mon amie est belle,
      Et je trouve Dieu bon, puisque je les lui dois!

      Vois... L'ombre va bercer la vallée endormie.
      Viens dans mes bras : qu'ils soient ton nid et ta prison.
      Je t'aimais d'un amour paisible, mon amie ;
      Je vais t'aimer demain, à perdre la raison. »

      Louise, tendre, dit à Pierre : « O mon poète ! »
      La nuit fait déferler ses flots silencieux.
      Devant cette nature apaisée et muette,
      Soudain leur double rêve a chanté dans leurs yeux.