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DE « PAUCA PAUCIS » 483 quante pages. Qu'on ne s'y trompe pas. C'est un véritable enseignement philosophique développé feuillet par feuillet sous l'œil du lecteur. Revêtues du moule poétique, toutes les expressions portent, les idées se profilent avec une netteté singulière sur le champ de la pensée. Je parlais tout à l'heure de parenté avec Marc-Aurèle, oui, si l'on considère les sen- tentia graves dont le poète a parsemé çà et là ses poèmes. Mais il faut aller plus loin. La philosophie de M. Tisseur me paraît comporter quelque chose de plus pratique, de moins froid-, que celle du grand stoïcien. Il m'apparaît parfois comme un de ces graves Alexandrins promenant à l'ombre du Musée, leurs nobles rêves. Je me le représente aussi comme un Philon païen, amoureux du Logos, livré à la méditation de l'Infini, parvenu à cette vie contempla- tive, exempte de soucis matériels, des Néo-Platoniciens qui, les yeux tournés vers l'Attique, vivaient en théra- peutes. Mais tandis que ces derniers pass aient ipséistement leur existence loin de leurs semblables, pratiquaient l'égo- tisme d'une façon exclusive, M. Tisseur, lui, descend dans l'arène terrestre, s'unit à ses frères les hommes, compatit à leurs misères, comme autrefois les Esséniens, dont les voix persuasives et éloquentes prêchaient la pitié, la con- corde et la paix. Voilà pour le côté antique de sa philo- sophie. Passons au côté moderne. A cet égard, n'en déplaise aux maîtres de la pensée contemporaine, je trouve qu'il y a du Ballanche dans cette âme de poète, mais non pas le Ballanche que vous connaissez, c'est-à -dire l'écrivain amoureux de la forme symbolique et « cryptique », l'auteur de la Vision d'Hébal ou de la Ville des Expiations, si difficile à lire et à comprendre, mais un Ballanche lumineux et simple, préoccupé de rénovation sociale et des destinées du genre humain.