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144                  FÊTE DES VIGNERONS

la foule des voyageurs en se penchant du côté du rivage fait
incliner le bateau avec une telle violence que la roue du
côté opposé tourne en l'air et que des cris d'effroi se font
entendre.
   Nous manquons sombrer en arrivant au port. Heureuse-
ment les passagers débarquent en courant, le bateau se
relève petit à petit; tout vient à petit et l'équilibre se rétablit
sur le pont comme dans nos esprits.

   Nous nous élançons sur la place du marché de Vevey,
grimpons les escaliers qui conduisent aux tribunes et nous
voilà installés pour jouir d'un ravissant spectacle.
   Je ne veux pas ici après tant de récits retracer, toutes les
phases de cette magnifique fête des Vignerons de Vevey. Je
tiens à faire part seulement de quelques impressions, les
plus vives que j'ai éprouvées.
   Cette fête, souvenir évident des fêtes antiques, sommeilla
pendant le moyen âge. Nous la voyons renaître au
XVIIIC siècle, enfin c'est depuis le commencement du siècle
qui s'achève qu'elle a brillé du plus vif éclat. ,
   Tous les vingt-cinq ans cette petite ville de Vevey ne
craint pas de se mettre en frais pour la célébrer dignement.
Elle avait dépensé en 1865, 150.000 francs, somme large-
ment couverte par les recettes. La fête de 1889 a été plus
belle, plus riche encore et pour ma part je m'estime heureux
d'avoir pu y assister.


   A huit heures du matin, annoncée par des salves d'artil-
lerie, arrivée dans l'enceinte de la place, de la troupe des
Faucheurs et Faucheuses, dite Troupe de Paies. Après son
char triomphal, s'avancent les vignerons couronnés avec
Y abbé ou le chef de leur corporation, puis les gentilles Fau-