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TACITE 289 l'être, pervers ou homme de bien, avec la même énergie. » (1) Et ce mot de Galgacus, dans la vie d'Agricola ; qui re- trace si vivement l'ambition dévastatrice des Romains : « Piller, égorger, ravir, ils disent que c'est régner, et quand ils ont fait la solitude autour d'eux, ils lui donnent le nom de paix (2). » Je m'arrête, il faudrait trop citer. Quand je lis un dis- cours ou un traité philosophique de Cicéron, je ne puis me dissimuler que souvent l'idée du prince des orateurs ne doive beaucoup à la pompe de sa période qui se déroule comme les plis ondoyants de son laticlave. Quand je lis Tacite, au contraire, je trouve que l'idée se suffit à elle- même. Semblable à cet Apollon du Belvédère qui n'a, besoin dans sa nudité, pour paraître beau et majestueux que de la virilité de ses formes et de la fierté de son atti- tude. Le style est inséparable d'une 'bonne narration, et la narration est le point capital de l'histoire: Scribitur his- toria ad narrandum. Il faut le dire: Tous les grands écrivains des choses romaines sont remarquables à cet égard, bien qu'avec des qualités diverses. Nous admirons dans Polybe la gravité judicieuse. Tite Live séduit par use magnificence qui tient de l'épopée ; César étonne par sa simplicité ; Salluste, par sa rapidité. Tacite résume en lui-même ces qualités de ses devanciers, et il les surpassa par deux autres qui leur sont étrangères savoir : la philo- sophie et la mise en scène. Je dis : la philosophie. Sans doute, je n'ai garde de prétendre que Tacite ait introduit, dans l'histoire, cette philosophie si connue des modernes, (i) Galboe amicitia in abruptum tractus, audax, callidus, prômptui e prout animum intendisset, pravus aut industrius eadem vi. (Id. lib. I. . XLvin.) (2) Aufcrre, îmcidare. raperc falsis nominibus imperium ; al'que ubi solitudinem faciunt, pacem appellaot. (Agricol. vitœ, c. xxx.) 19