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TACITE 279 son autorité si magistrale, que la vérité, selon l'expression de M. de Champagny, s'incruste dans son langage. D'où il résulte que !e simple récit de l'historien porte plus loin que l'épigramma du satirique. Qui n'a lu dans les livres d'histoire que l'empereur Claude n'était qu'un imbécile ? Cependant, comme , d'une part, les preuves alléguées à l'appui de l'imbécillité éta- blissent également la bonhomie, et que, d'autre part, on assure que Claude était un vrai savant, il est difficile de savoir à quoi s'en tenir sur le compte de cette assertion, à nous Lyonnais surtout, qui possédons, gravé sur le bronze, un discours bienveillantet sensé de ce prince. Mais, voilà que je lis dans Tacite cet étrange récit : « Claude mangeait lorsqu'on vint lui annoncer que Messaline avait péri, sans dire si c'était de sa propre main ou de celle d'autrui. Il ne s'en inquiéta point, demanda à boire et acheva son repas comme à l'ordinaire. Les jours suivants, il ne donna non plus aucun signe ni de haine, ni de joie, ni de ressentiment, ni de tristesse, ni d'aucune affection, enfin, soit en voyant l'allégresse des accusateurs, soit en voyant la douleur de ses enfants. » Il n'y a plus à en dou- ter, Claude était un être stupide. C'est ainsi que Tacite sait mettre en relief les traits qui dessinent une physionomie. On en rencontre une foule de pareils ainsi fondus d^ins le récit. Mais, c'est surtout lors- qu'il s'agit de stigmatiser le vice ou de relever la vertu op- primée, que le burin de l'historien grave profondément. Le vice, Tacite a des formules à lui pour le rendre odieux. Quant à la vertu, on lui pardonnera de la faire un peu théâtrale, si l'on considère que la vertu de Tacite était encore cette vertu catonique qui avait besoin, pour se sou- tenir, du piédestal de la gloire humaine. Tout le mon'le connaît les Vies des douze premiers Césars; œuvre de curieux détails, s'il en fut jamais. Dans ce livre, si l'on en excepte les grandes lignes historiques,