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TACITE 277 raits, sans importance au premier abord, mais d'où, comme des grands événements, ressortent souvent de hautes le- çons. » Ces leçons, on les connaft aujourd'hui, elles sont écrites en caractères indélébiles, sur la mémoire de Ti- bère, de Séjan, de Mes.saline d'Agrippine, de Néron et de tant d'autres dont le burin de notre historien a immorta- lisé l'ignominie, Et ces leçons Tacite a pu les donner, avec une autorité d'autant plus grande qu'il n'était point, comme Salluste, un prêcheur de vertus, un vain déclamateur, démentant ses discours par ses actions. L'antiquité, à son endroit, n'a point distingué l'homme de l'écrivain, et les siècles nous ont transmis sa réputation intacte et pure. Les événements considérables lui manquant, Tacite com- prit qu'il devait raconter la nature humaine. Alors, il des- cendit dans les profondeurs de l'homme, il en étudia le mécanisme moral, s'efforça d'y saisir les secrets ressorts qui, en l'absence do la religion, de la conscience, de l'hon neur, et lorsqu'il ne reste plus que de viles passions, fon mouvoir les personnages. Or, de cette étude,il est sorti une œuvre terrible contre les vices et les crimes de la premier e époque césarienne. L'œil de l'écrivain pénètre partout. Ce qui se déguise, il le démasqua, ce q >i se cache, il le devine et le produit au grand jour ; rien n'échappe à l'implacable observateur. Les coupables ordinaires sont punis par les tribunaux de l'Etat Mais, il y a des coupables d'élite qui, par leur position élevée, ou grâce à la faveur d'une popularité mau- vaise et redo\itée , se dérobent à la vindicte des lois. Y aurait-il un privilège qui permtt aux criminels éclatants de passer impunis? Je ne le crois pas . La Providence divine y a pourvu , en suscitant le tribunal de l'histoire qui se charge de livrer les scélérats puissants à l'exécra- tion de la postérité. Eh bien, Tacite me semble avoir été u n des plus remarquables instruments de cette justice