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112                        MINIMES

    Assis sur le plateau de Saint-Just, à quelques mètres
  en avant des murs de la ville, en face de la petite place
 où aboutit la montée du Gourgillon et à cent pas environ
 de l'ancienne porte des Farges, ce lieu s'ouvre sur un
 horizon de la plus vaste étendue et offre aux regards un
 spectable d'une rare grandeur. De là, les yeux suivent
 longtemps le cours du Rhône emportant ses eaux impé-
 tueuses, mêlées aux flots plus tranquilles de la Saône qui
 baigne le pied de la montagne. En face, s'étend la vallée
 du Dauphiné, plaine immense et profonde, sillonnée de
 longues routes droites et poudreuses et peuplée de nom-
 breux villages qui montrent çà et là dans la verdure des
 prés leurs toitures rouges et leurs clochers aigus. A gauche,
 le Mont-J31anc apparaît, quand le ciel est pur, comme
 une gigantesque masse neigeuse et, dans un lointain
 obscur, la chaîne des Alpes se développe, dressant ses
 aiguilles de glace et ses sommets revêtus de nuages,
 comme pour servir de cadre à cet imposant tableau.
Ajoutez qu'on respire sur cette hauteur l'air le plus sain,
que derrière et sur un des côtés se trouvent de vastes
terrains, plantés de vignes, sans habitation, que cet
endroit enfin est assez écarté des bruits de la ville pour
que le tumulte des affaires et des plaisirs ne vienne pas
interrompre la prière et la solitude de ses habitants, et
qu'il n'en est pas non plus à une trop grande distance,
afin qu'ils soient prêts à secourir toutes les misères et à
voler partout où le devoir et la charité les appelleront.
    La Providence n'avait pas moins fait pour sanctifier
ce lieu que la nature pour l'embellir. Le nom qu'il por-
tait rappelait un épisode sanglant des persécutions
religieuses. On l'appelait la Croix de Colle, corruption
de deux mots latin Cruoc Decollatorum, la Croix des
Décollés. A cette place, en effet, un grand nombre des