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BIBLIOGRAPHIE. 1G3 que nous youlons relever en ce moment, c'est son carac- tère général et sa filiation. Evidemment, Pernette a Goethe pour aïeul, et M. de Laprade s'est empressé de le recon- naître loyalement le premier ; mais ses traits sont bien français, bien à elle. Rien ne trahit dans son allure la rai- deur et le servilisme de l'imitation. Le poète français s'est inspiré de Gœthe, comme Gœthe s'était inspiré de la Louise de Voss et d'Homère. Il n'y a rien de plus légitime dans l'art que ces générations successives et fécondes, rien de plus instructif pour le penseur que le spectacle ra- dieux de cette transmission de la vie idéale par les poètes, de ces pures créations de l'esprit, destinées à former ces glorieuses familles d'êtres immortels, qui n'ont jamais vécu et qui font les délices de nos générations éphémères. Si Gœthe a donné l'exemple, et, pour ainsi dire, lé ton à M. de Laprade, l'auteur de Pernette avec un rare bonheur, ou plutôt, disons mieux, avec un tact exquis, a pris son sujet au cœur même de toute poésie, à sa vraie source, une source où l'on a trop rarement puisé en France, je veux dire la poésie populaire. Connaissez-vous la chanson de Pernette ? Elle se chante un peu partout, dans nos pro- vinces de l'Est et du Midi, dans les Alpes du Dauphiné, comme dans les plaines de la Provence ou les montagnes du Forez, le pays natal de M. de Laprade. Il serait difficile d'en retrouver le berceau primitif. Quoi qu'il en soit, c'est un joyau de poésie populaire, et elle aurait fait le bonheur et l'admiration d'un Herder, d'un Brentano et d'un Grimm: La Pernette se lève, Trois heures avant le jour, etc. Naturellement, elle souffre du mal d'amour. Ce n'est pas le fils d'un prince qu'elle aime, mais bien son ami Pierre, qui est dans la prison. Elle l'avoue à sa mère, — car c'est un dialogue, comme dans la Léonore de Burger. — Si elle ne peut l'épouser, elle mourra de douleur, et demande pour seule grâce qu'on les enterre tous deux ensemble près du