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              LE PAGE DU BARON DES ADRETS.              419
dre le chef de la ville, celui en qui nous avons toute
confiance, celui dont la perte eût été irréparable pour
le parti.
   Beaumont vaincu par le mal, Beaumont attendri de
cet amour, sourit à ses amis et leur demanda un pardon
que Marianne et Blancon lui accordèrent. Marianne en
souriant, mais les larmes aux yeux, lui prit les mains
avec tendresse, déposa le plus doux, le plus chaste bai-
ser sur son front pâli et, lui imposant un silence néces-
saire, lui assura que le calme régnait dans Lyon, que
rien ne souffrait dans l'expédition des affaires, et que
d'ailleurs, ses forces revenant rapidement, il pourrait
s'assurer par lui-même si, pendant sa maladie, ses amis
l'avaient bien servi,
   Beaumont avait passé sa vie dans les camps, il avait
fait la guerre et surtout la guerre civile, plus terrible,
plus cruelle que la guerre étrangère ; il avait incendié
des châteaux, mis des villes au pillage et acquis la répu-
tation d'un homme de sang et de terreur; en ce mo-
ment, un monde nouveau s'ouvrait à lui. Etre aimé, être
entouré d'amis fidèles, entendre des paroles d'affection
et de dévouement, voir des visages heureux et attendris,
c'était pour lui la révélation d'une vie dont il ne soup-
çonnait pas l'existence. Son cœur battit pour la première
fois et pour la première fois un doux regard illuminant
ce visage dur et austère, il parut transfiguré à ceux qui
l'entouraient de tant d'amour.
   Le soir, ce fut fête au château de Pierre-Scize, fête
intime, dans le petit cercle des familiers qui entouraient
le baron. Le célèbre général, disait-on, échappera au
danger terrible qu'il a couru ; sa convalescence sera ra-
pide, et, prodige dont on doit louer Dieu, on dirait que
des idées plus douces ont envahi son cœur. Le vieux
lion a encore sa griffe puissante ; il n'a rien perdu de sa
force et de son audace, mais il ne déchirera plus désor-
mais ses victimes pour le plaisir seul de faire couler le
sang.