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84 CHRONIQUE LOCALE. Nous devons à cet artiste de mérite, qui habitait Lyon depuis une dizaine d'années et qui avait succédé à Savette, nos plus beaux décors modernes. C'est Jaguarita qui avait commencé sa brillante carrière dans notre ville. La Biche au bois, Faust et tant d'autres avaient mis le sceau à sa réputation. L'amabilité de son caractère lui avait fait de nombreux amis. Aussi quand , après une maladie foudroyante, il a succombé à son retour de Paris, une foule nombreuse et attristée a-t- elle suivi son convoi. — Autre perte grave. M. de Montherot, membre de l'Académie de Lyon, poète spirituel et facile, homme antique par le caractère et beau-frère de M. Lamartine, est décédé à un âge avancé. Nous donne- rons une biographie de cet homme de bien que la Revue était flère de compter parmi ses collaborateurs. —M. Régis de Chantelauze, le savant auteur des Ducs de Bourbon, a reçu de l'Académie des inscriptions et belles-lettres le second prix Gobêrt. Le premier prix, vivement disputé par notre compatriote, a été adjuge à M. le baron Roget de Belloguet pour son Ethnogénie gauloise. — Mgr le cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, encore un Lyonnais, vient de publier, chez M. Josserand, un charmant Voyage au Mont-Pilat, dans lequel on trouve toute la gracieuse imagination d'un touriste, les connaissances d'un savant et le style d'un poète. A part ces grandes individualités, on dirait que c'est le sexe faible qui, à Lyon, nous verse aujourd'hui la lumière. On n'a pas oublié les suaves poésies de Mme Saint-Jean imprimées à si petit nombre; les œuvres aussi rares et aussi élevées de M'°e Yemeniz , connues seule- ment de quelques intimes; depuis six mois, il n'est bruit que des poésies de M"" Siefert ; eh bien ! à la honte des hommes, voici encore le Petit-Fils de Bayard, joli volume avec de gracieuses descriptions du Dauphiné, par Mme Louise Brevet ; le Clou d'or, qui nous rappelle avec énergie et vérité les beaux sites duValromey, par Mme F. Favier; un roman tout dombiste , par Mm° Brandy, les Légendes de la Savoie, par Mme d'Orgeval, et déjà se prépare un volume de poésies qui fera sensation, par Mlle Adèle S. dont les lecteurs de la Revue ont apprécié le talent si vrai et si pur. Cela ne rappelle-tril pas cette époque^ glo- rieuse où Louise Labé, Clémence de Bourges, Pernette dû Guillet, Jeanne Creste, Jacqueline Stuard, Claudine et Sybille Scève tenaient le sceptre de l'esprit comme de la beauté ? Eh bien ! Lyon n'a point dégénéré. Le feu poétique brûle toujours chez nous, et Mmo Ernst a révélé aux plus incrédules ce que nous sommes et ce que nous valons. A ses réunions littéraires, la foule af- fluait avide d'entendre réciter des vers et dix séances n'ont pas satis- fait le public. Le dernier venu de nos poètes est Jean Sarrazin, dont les Fruits verts font leur chemin sans l'aide d'aucun secours, pas même de la coterie populaire. A. V. AIMÉ VINGTBINIEIt, directeur-gérant.