page suivante »
44 BIBLIOGRAPHIE.
Cette œuvre de salut appartient aux institutions monastiques
dont Cluny fut au moyen-âge la plus éclatante personnification.
Rien de plus humble, de plus inaperçu que la naissance de
Cluny. Il n'est pas éclos d'une idée nouvelle ; aucune visée de
réforme religieuse ou sociale ne s'attachait à son berceau. 11
recommençait tout au plus, à un siècle de distance, la tentative
de saint Benoît d'Aniane, restée à peu près stérile. Il me semble
que dans la conduite des choses de ce monde, la Providence
tienne en réserve des forces latentes, comme l'étincelle sous la
cendre qui la recouvre, et jusqu'au moment où elle juge à propos,
dans la profondeur de ses desseins, de les employer à leur
accomplissement. Un religieux de Saint-Martin d'Autun, le moine
Bernon, avait récueilli au couvent de la Balme quelques épaves
desmonaslères de Saint-Martin, de Ligugé, de Marmoutiers, et
ces hommes vivaient dans les montagnes sous la règle de saint
Benoit. Ce fut là l'origine de Cluny, bien obscure au début
* comme tout ce qui est destiné à devenir grand. Un des plus
puissants feudataires du Midi, Guillaume-le-Pieux, duc d'Aqui-
taine, dont la famille avait joué un rôle très-important dans les
événements qui, sous les règnes de Louis-le-Débonnaire et de
Charles-le-Chauve, avaient amené le démembrement de l'empire
de Charlemagne, Guillaume-le-Pieux se souvenait de l'hospitalité
qu'il avait reçue au monastère de la Balme. Un jour qu'il se
trouvait dans sa villa de Cluny, il appela auprès de lui Bernon
qui y vint accompagné d'Hugues, abbé de Saint-Martin d'Autun,
son conseil et son ami. Il s'agissait de trouver au milieu de ces
vastes domaines un lieu favorable à la fondation d'une commu-
nauté de religieux; mais le seigneur Hugues hésitait à sa des-
saisir de ses prairies et de ses belles forêts, dont les cris des
chasseurs et les aboiements des chiens troublaient le silence.—
Chassez-en les chiens, mettez-y des moines, lui dit en riant Ber-
non ; leurs prières vous seront plus utiles que les cris de vos
meutes.—Le duc d'Aquitaine suivit ce conseil. Cluny était fondé.
Ceci se passait en 909, au moment même où l'archevêque de
Reims, Hérivée, demandait au Concile de Soissons la restaura-
tion des monastères. Ce dialogue, dont le biographe de saint