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BIBLIOGRAPHIE. 43 lamités, le découragement lui ôtent le sentiment de la moralité, éteignent la notion du juste, déchaînent les instincts bas et cruels, amènent des désordres sans nom. En 881, le concile de Fieme, présidé par l'illustre archevêque de Reims, Hincmar, signalait à la suite de tous ces désastres la profonde décadence de l'Eglise. En 909, au concile de Trosly, près Soissons, un successeur d'Hincmaï, Hérivée, jette encore on cri d'alarme plus puissante!; plus désespéré. « Le monde entier, dit-il, est livré à l'esprit du mal, les vilies sont saccagées, les monastères pillés ou détruits, les campagnes réduites à la solitude. L'adultère, le sacrilège, l'homicide, inondent la surface de la terre. Au mépris des lois divines et humaines, chacun vit au gré de ses passions, le plus puissant opprime le plus faible, les hommes sont sem- blables aux poissons de la mer dont les plus gros dévorent les plus petits. » Ce sont ses expressions, rien ne manque à ce ta- bleau sinistre. Cet état de choses se prolongea pendant plus de cent ans. « Les guerres, les armées, les irruptions d'ennemis, s'écriait Pierre Daraien, qui vécut de 988 à 1074, se multiplient à tel point que l'épée fait périr un plus grand nombre d'hommes que les maladies,'les infirmités attachées à la condition humaine. Le monde entier ressemble à une mer agitée par la tempête, l'affreux homicide pénètre partout et semble parcourir tous les pays pour les réduire à une épouvantable stérilité. Les séculiers se pillent les uns les autres, se jettent l'un sur l'autre pour se supplanter mutuellement, puis ils vont incendier les chau- mières des pauvres villageois, et verser sur ces malheureux la bile qu'ils n'ont pu décharger sur leurs ennemis. » Ces peintures sont-elles assez énergiques, les temps sont-ils assez malheureux ? Quand les choses en sont venues à ce point, il faut que les sociétés périssent, ou qu'une force nouvelle les tire du fond de l'abîme. L'Eglise, Messieurs, ne désespéra point. Elle fit apppel, au sein de ces calamités, à tout ce qu'il y avait encore de vertu dans les âmes, et elle parvint à reconstituer du milieu de ce chaos en pleine dissolution, des sociétés assez fortes pour recueillir ces immortels proscrits, le droit, la justice, la protection de l'opprimé, et pour leur ouvrir un asile inviolable.