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818                L'AFFÛT DU LOUP BLANC.

tous les faits plus ou moins surnaturels. J'émis l'opinion,
très-peu nouvelle, que des gens, d'ailleurs sains d'esprit,
prennent souvent pour la réalité les hallucinations de la fiè-
vre ou même de simples rêves, et surtout les visions con-
fuses du demi-sommeil.
    A l'appui de mon assertion, je racontai l'histoire de Gre-
naille.
    L'abbé X,.,, un des convives, avait écouté avec un mali-
cieux sourire la dernière partie de mon récit.
    — Pourriez-vous préciser, me dit-il, l'époque où cet
 excellent braconnier passa une si mauvaise nuit ?
    — Parfaitement, Monsieur, c'était du 3 au 4 décembre
 18..., tète de sainte Barbe, une date qu'un artilleur n'ou-
 blie pas.
    — Allons , Monsieur, vous pourrez voir , à l'écurie, le
 loup blanc mangeant du foin de préférence à la terre brune,
 et, sans doute pour cette cause, passablement vieilli. Quant
 au diable, il a l'honneur de vous proposer un toast à la
 santé de l'ami Grenaille.
    — Là, vraiment, Monsieur l'abbé, ceci mérite une expli-
 cation.
    — Une explication ? Elle sera bien courte. Je desser-
 vais, cette année-là, une petite paroisse d'où relève la cha-
 pelle de Saint-Crignôn. Dans la nuit du 3 au 4 décembre,
je fus appelé près d'un malade qui demeurait de l'autre
 côté des Combes. Laissant le messager reprendre haleine
 au coin de mon feu, j'enfourchai mon petit cheval de mon-
tagne et je partis grand train. Arrivé près de la chapelle,
chemin le plus direct sinon le plus beau, je me trouvai nez
à nez avec cinq a six loups. La brume lourde et chargée
de miasmes les avait saris doute empêché de m'éventer.
Reculer était difficile. D'ailleurs un mourant m'attendait.
Je donnai de l'éperon, et nous passâmes au galop de