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252 ON NE CROIT PLUS A RIEN. Je demandai donc tout de suite où était Ravinel, s'il avait encore mes valeurs , comment faire pour les ravoir ; expli- quant ma situation qui ne me permettait pas de faire le dé- taché et le philosophe l\ concurrence de dix mille francs à la fois. Le crayon marcha bientôt ; j'observais que son allure était moins saccadée et moins raide que tout à l'heure, et je croyais avsc bonheur y reconnaître la manière onctueuse de ce tendre et doux esprit. Je ne me trompais pas : moins sèche et moins brève, sans être bien précise, voici la réponse, au moins cent fois plus consolante, du bon archevêque : « Il ne faut point se trop hâter a juger son prochain. « C'est ainsi qu'on s'expose à manquer de charité envers « les malheureux, même envers les coupables. A plus forte « raison, s'il s'agit d'un ami, ne le condamnez pas avant « que d'être trois fois sûr de sa trahison. Quelles que soient « les apparences qui l'accusent, celui que vous avez aimé « peut n'être point un méchant homme. Savez-vous, au « moment que vous le condamnez, si l'honneur, le devoir, « l'amitié ne parlent plus en lui? Ne le maudissez point en- te core aujourd'hui, et, s'il le faut, promettez-vous de lui « pardonner demain. En retour de votre charité,'la Provi- « dence saura bien vous envoyer quelque grande consola- « tion, qui déjà peut-être est en route, et, par votre bon « cœur, vous l'aurez méritée. » J'étais profondément touché. A la bonne heure ! voila un philosophe chrétien.... pour- tant j'aurais bien voulu savoir... Quant au brave médium , il venait de quitter ses lunettes pour s'essuyer les yeux.—Croyez-moi, me dit-il, avec une chaleur affectueuse, croyez-moi, mon cher Monsieur, il faut s'en tenir ià : des bons esprits vous n'obtiendrez pas mieux.