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156               LÉGENDES DE LA VILLE D'AES.

être supprimés,il me suffira d'en extraire la part afférente à
notre nouvelle légende, fort peu antique, comme on le verra,
puisqu'elle ne remonterait guère au-delà du milieu du dernier
siècle.
   Vers 1740, environ, un Chartreux desservait la chapelle
de Milin , distante de trois kilomètres de la Sylve-Bénite.
Bâtie au pied d'une colline située à l'ouest du couvent, elle
était peu éloignée du château qu'habitait le seigneur du pays.
Le noble châtelain avait un fils, et celui-ci osa aimer avec
passion la fille d'un vilain, qui n'était pas vilaine, ajoute naï-
vement la chronique. Indigné de voir qu'un homme qui avait
l'honneur de descendre de lui, osât songer sérieusement à
une personne sans naissance, le fier hidalgo, qui était de ceux
qui prétendent
            Que, grâce à des quartiers de plus,
            Les gens qui de lui sont venus,
            Sont bien plus nobles que Turenne (1),

eut recours au desservant de sa chapelle pour mettre fin a
ce fol amour, et, par les soins du trop zélé Chartreux, celle
qui en était l'objet fut enfermée dans un couvent
   C'était le bon temps alors !
   Le jeune seigneur, irrité, jura de se venger, et son res-
sentiment tomba- sur celui qui s'était fait l'exécuteur de la
volonté de son père. Peu de temps après, un dimanche , il
alla se poster derrière un arbre de la forêt et attendit impa-
tiemment, une arme à la main, malgré un orage qui venait
d'éclater, le retour du moine a son couvent. Celui-ci ne
tarda pas a paraître.... et deux balles rétendirent sans vie....
   Le meurtrier s'enfuit en Allemagne, et l'on n'entendit [lus
parler de lui. Quant au moine, les Chartreux ensevelirent son

  (1) Voyage à Chambéry, en prose et en vers , (par Aug. Blanchet ;)
Paris, David, 1827, p. 29.