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114 HtSTOIRE LITTERAIRE DE LYON.
Mais de toutes les productions littéraires de Maurice
Scève, celle qui eut le plus de vogue est intitulée : Délie,
objet de plus haute vertu (1544, in-8). Ce volume con-
tient 458 dizains et cinquante emblèmes gravés sur bois,
le tout en l'honneur d'une belle. Les vers suivants que
nous en extrayons , s'appliquent aux fours à chaux de
Vaise :
Comme au faulxbourg les fumantes fomaises
Rendent obscurs les circonvoisins lieux,
Le feu ardent de mes si grandz mesaises
Par mes soupirs obtenèbre les cieulx
En ce faulxbourg celle ardente fornaise
N'eslève point si hault sa forte alaine
Que mes soupirs respandent à leur aise
Leur grand'fumée en l'air qui se pourmeine.
Le sentiment et l'esprit se révèlent dans la Délie ;
mais on reproche à l'auteur de s'y répéter trop souvent,
d'y avoir employé des expressions triviales et même par-
ois inintelligibles ; c'est ce qui a fait dire à Pasquier :
« Maurice Scève se mettant en butte une maîtresse sous
« le nom de Dély, y laissa un sens si ténébreux et obs-
« cur que, le lisant, je disois estre très-content de ne
« l'entendre, puisqu'il ne vouloit estre entendu. »
D'après le jugement de l'abbé Goujet, le dizain qui suit
peut être regardé comme un des meilleurs de ce recueil
amoureux.
Amour perdit les traicts qu'il me tira,
Et de douleur se print fort à complaindre.
Vénus en eut pitié et soupira
Tant que par pleurs son brandon feit estaindre
Dont aigrement furent contraints se plaindre.
Car l'archer fut sans traict, Cypris sans flamme ;
Ne pleure plus, Vénus, mais bien enflamme