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122 LE PÈRE DE LA CHA1ZE. jurisconsulte si sage en apparence et si modéré dans ses écrits ! « Cinq ou six pendards partagent la meilleure partie du monde cl la plus riche ! C'en est assez pour nous faire juger quel bien c'est devant Dieu que les richesses. » « N'est-ce pas l'âme même de Port-Royal, dit M. Cousin, qui a dicté cette pensée (1)? » Dès qu'une fausse opinion s'empare d'une tête puissante, vous pouvez être certain qu'elle sera poussée jusqu'à ses plus extrêmes conséquences, « Pascal, a dit encore M. Cousin, est l'exagération de Port-Royal, comme Port-Royal est l'exagération de l'esprit religieux du XVIIe siècle (2). » Pascal, esprit supérieur, aveuglé par le jansénisme, fut donc logiquement et fatalement conduit de la négation du libre arbitre à la négation de la raison même. Que serait l'homme , en effet, sans l'action libre de la conscience? Un automate en qui la raison ne serait qu'un non sens. Cette lumière que Dieu a mise en nous pour nous guider vers le bien et nous faire éviter le mal, ne nous servirait, hélas ! qu'à découvrir, sans pouvoir la conjurer jamais, l'inéluctable fatalité de notre destinée. Sans nier la personnalité humaine, bien qu'il l'amoindrisse à l'excès, le système de Pascal n'est donc guère plus consolant que celui de Spinoza, et nous allons voir sur le champ quelles conséquences en découlent au point de vue politique et social. La raison de l'homme étant impuissante à discerner la vérité et le bien, de même que sa volonté est incapable de les désirer et de les choisir librement, il s'en suit que toutes les conceptions de l'homme en philosophie, en morale, en politique, en science sociale, sont absolument fausses et qu'elles ne reposent sur au- cun fondement certain. L'homme du jansénisme privé de raison, de conscience, des notions même les plus confuses de la justice, (1) Madame de Sablé, p. 92. Cette pensée se trouve dans le recueil manus- crit deMargueritc Pcrier, p. 273. Bibl. nat. C'est à M. Cousin qu'en est duo la découverte. M. Proudhon triomphe mal à propos de cette pensée jansé- niste, qu'il présente avec une imperturbable assurance comme une doc- trine catholique. (S) Jacqueline Pascal, par AI. Vicier Cousin, Edition in-8°, p. 338,