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496                      FRAGMENT
Devant notre Seignor sest mis,       Notre Seigneur ; ce traître, cet
Li traicte, li ennemis ;             ennemi que Jésus aimait et avec
Et nostre Sires moût lamait          lequel    il prenait toujours ses
Et avec lui tousjours manjoit ;      repas. Et cependant que faisait
Et li traites que faisoit?           le traître ? Tandis que Jésus bu-

Et, desquant Jehucris beuvoit,       vait , il lui dérobait les         plus
                                     beaux morceaux de son poisson.
Se li ambloit en traïson
                                     Mais Notre Seigneur n'en témoi-
Lesbiauxmoursseaus de son poisson.
                                     gnait rien ni à ses Apôtres ni à
Mas Jhu n'en faisoit nul semblent
                                     ceux qui l'entouraient. Il s'en-
Na ses apostres na sa gent.          dormit sur son sein ,          comme
Il sendormi en son giron,            nous voyons saint Jean l'évan-
Tout comme li saint trovon           géliste, le plus cher de ses Apô-
Sains Jehan, li evangelistres,       tres, qui, encore jeune,ayant été
Tous li meillous de ses ministres,   ravi au ciel en esprit, y vit de
Qui, petit de vie, fut ravis,        telles choses qu'elles        seraient
Laissies ou ciel ses esperis,        Irop longues à raconter si on
Tel chouse y vit ne vuil escripre    voulait les écrire. « Frères , dit

Que longue chouse i eut à dire.      Dieu avec d o u c e u r , sachez-le
                                     en vérité : J'avais un grand d e -
Frère, dist Diex, moût doucement :
                                     sir de faire cette Pasque avec
Ceu saichez vous veraiement,
                                     v o u s ; mais je ne mangerai plus
Jai esté en grant desirier
                                     en votre compagnie jusqu'à ma
De ce Pasque o vos mangiez ;         mort. Je souffrirai passion pour
Je ne mangerez mes o vous,           vous qui marchiez à votre p e r -
Tant que de mort serai resous ;      dition.» Après avoir ainsi parlé,
Pour vous sofferay passion,          Jésus prit un       pain entre ses
Que aillois a perdition.             mains, rendit grâces à son père,
Nostre Père quant ceu ot dit,        bénit ce pain et le rompant :
Entre ses deux mains un pain prit,   « T e n e z , dit-il, et usez-en ainsi :
A son St. Père grâce rent,           C'est mon corps que vous voyez;

Bénit lou et puis lo fent ;          mangez mon corps, buvez mon
                                     sang , car par eux vous serez
Tenez, fet-il, et si usez :
                                     sauvés, si vous les recevez d i -
Cest li myens cors qui ci veez ;
                                     gnement, et, si vous faites autre^
Mon cors mangiez, mon sanc buvez-,
Car par iceu serez sauvés,
Se lou recivez dignement ;
Et se lou f'aictes autrement