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472               LETTRES SUR LA SARDAIGNE.
 et des colliers d'or et d'argent se balancent sur la chemise
 plus blanche, qui défend les trésors de leur poitrine. Les
 hommes, élégants et fiers, font piaffer, devant les jeunes filles,-
 leurs chevaux aux crinières nattées de rouge, au col onduleux
 et diapré comme la gorge d'un pigeon.
    Mon guide me conduisit chez un ami, pharmacien de son
 métier, qui me reçut comme une ancienne connaissance,
 mettant à ma disposition sa maison toute entière, sa cave et
 son lit ; sa femme était morte depuis quelques années. Je
 trempai des biscuits, faits d'une pâte blanche parfumée au
 safran et saupoudrée de non-pareilles et de paillettes d'or,
 dans un verre de muscatel : vin exquis, qui me fournit l'oc-
 casion de compliments toujours flatteurs pour un propriétaire.
 Il refusa obstinément le prix de l'orge et des fèves absorbées
 par mon cheval.
    Après cette collation dont il prit sa part, mon hôte me con-
 duisit à l'église. Comme toutes celles de Cagliari, l'église de
Sanluri ne présente rien de remarquable ; elle est construite dans
le style italien, sans architecture ni caractère; ses hautes mu-
 railles n'offrent aux regards que des teintes criardes, figurant
des niches et des baldaquins de marbres inconnus. Dans une
chapelle, où les enlumineurs piémontais ont épuisé les trésors
de leur palette et de leur mauvais goût, s'élève la statue du
saint patron, couverte de soie et de velours. Autour se pres-
saient des hommes et des femmes qui venaient, tour-à-tour,
baiser les pieds de bois de la sainteté dorée. Bon Dieu! pen-
sai-je, quel accès de rire dédaigneux, quelle sainte indigna-
tion ne procurerait pas un pareil spectacle aux vertueux ré-
dacteurs du National et du Constitutionnel : ces austères phi-
losophes, qui ne veulent pas comprendre cette vérité vieille et
banale : que la religion est faite pour l'homme, et que, par
conséquent, s'il plaît aux Sardes de promener processionnel-
lemenl l'image de leurs saints, et de passer leur temps Ã