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400 LES FEMMES MABSEILLAISES. — Aujourd'hui, reprit un autre, les Marseillais comprennent très-bien que les intérêts de leur cité et de la Provence tout entière ne sauraient être remis en de meilleurs et de plus nobles mains que celles de Sa Majesté. — Les Marseillais, interrompit le roi, sont de mauvaises tètes, mais ils ont bon cœur ; Mazarin l'a bien dit. — Aussi les Marseillais, sire, vous portent-ils tous dans leur cœur, dit un quatrième gentilhomme. — Et les Marseillaises ? fit le roi en souriant. — Les Marseillaises ont trop bon goût pour qu'il en puisse être autrement, dit un cinquième gentilhomme, qui n'avait pas encore pu déposer son grain d'encens aux pieds du jeune monar- que. Hier, ajouta-t-il, la femme d'un consul disait avec une grâce infinie. « J'ai vu le roi, il est beau comme l'espérance. — Et, mais vraiment! voilà un mot qu'on croirait sorti de l'hôtel Rambouillet, s'écria le roi, que n'avait pas trop effarou- ché cette flatterie à brûle-pourpoint. Je vois que les femmes de Marseille ont de l'esprit. — Esprit et beauté, le pur sang d'Ionie coule dans les veines des Marseillaises, reprit le colonel. Et, par exemple, il n'est rien de comparable, dit-on, à la belle Regaillette. — Regaillette, qu'est-ce là ? une femme de la bourgeoisie, dit le roi avec une indifférence qui n'était que sur les lèvres. — Non, sire, c'est une fille du peuple. — Et le colonel ajouta dans le goût du temps : une fille jeune comme Hébé, fraîche comme l'aurore, chaste comme Diane. Mais c'est donc une merveille que votre Regaillette, une nym- phe de l'Àstrée ? — Mieux que cela, sire, c'estun ange. — Et vous voudrez bien, Messieurs, je m'imagine, enlever une plume à l'aile de cette ange.... — Tant de perfections ne sont pas faites pour de simples mortels, reprit l'un des courtisans avec une voix veloutée ; Re- gaillette est un morceau de roi. Il se fit, sur ce mot là , un instant de silence. Le roi de France avait pris goût à cette causerie de pages, mais il ne