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 224                  DE L'ÉGLISE, DE L'ÉTAT
  lui, elle le bénira, sans en recevoir l'ordre, par toutes ses voix,
     A cela on d i t : séparer l'Église de l'État, c'est mettre la
  division dans la société, c'est établir le dualisme ou la guerre
  des deux éléments qui sont nécessaires au monde.
    Je réponds que la séparation ou la distinction n'est pas la
  guerre, et que c'est au contraire une des conditions de la paix.
  C'est la confusion des intérêts qui est la cause de toute dis-
 cussion ; c'est leur distinction qui maintient la tranquillité.
 J\'est-il pas un proverbe qui dit : les bons comptes font les bons
 amis? Or, qu'est-ce qu'un compte, sinon une ligne qui trace
 avec précision les limites de plusieurs intérêts?
    La foi et la science sont les deux éléments de la pensée
 humaine, et l'harmonie de ces deux éléments peut seule faire
 le bonheur du monde ; ne faut-il pas cependant que, loin
 de se confondre, ils demeurent dans l'indépendance la plus
 absolue? La science ne doit-elle pas s'arrêter devant les mys-
 tères de la foi et respecter ses droits imprescriptibles? la foi
 ne doit-elle pas, de son côté, reconnaître l'indépendance de
 la science et lui laisser son libre développement ? Ne serait-
 ce pas une égale injustice et un égal malheur, si l'Académie
 des sciences prétendait juger des dogmes de la foi avec les
 règles des mathématiques et de la physique, et si l'autorité
dogmatique de l'Église prononçait des décisions et des con-
damnations sur l'électricité, la vapeur et l'optique? La foi
n'a d'autre règle que l'autorité-, la science n'en a d'autre
que l'intelligence ; plus elles seront indépendantes l'une de
l'autre, plus elles vivront en p a b "et en parfaite amitié. Il en
est de même de l'Église et de l'État: leur séparation, ou pour
parler plus exactement, leur distinction, au lieu de les mettre
en guerre, les mettra dans une paix parfaite. Tant que leurs
attributions ne seront pas entièrement séparées, l'Église et
l'État seront comme deux chars qui luttent de rapidité sur la
même route, risquent à tout moment de se heurter et de se
briser l'un contre l'autre; mais, quand leur action sera de
nature tout-à-fait différente et sans concurrence possible,