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                        ET DE L'ENSEIGNEMENT.                             221

   Je ne sais si les gouvernements verront avec plaisir ces
conclusions ; peut-être leur semblera-t-il qu'on ne leur fait
la part ni assez grande, ni assez belle.
   Mais qu'on me dise si ce ne serait pas folie à eux de se
plaindre ? Protéger la liberté ! quel plus beau rôle? au pou-
voir spirituel, on laisse le soin d'imposer de dures obligations
aux hommes, de dominer leur raison par la foi, de retrancher
une partie de leurs plaisirs, de mettre une règle à leurs
mœurs, un freina leur pensée même, toutes choses qui, loin
d'être propres à faire aimer, sont plutôt repoussantes. Mais au
gouvernement on donne la belle et gracieuse fonction de pro-
téger la liberté. Protéger la liberté, n'est-ce pas là le plus grand
moyen de séduction qui existe? n'est-ce pas par ce moyen
qu'on fascine le peuple, qu'on fait tourner la tête à la jeu-
nesse, qu'on se rend nécessaire et agréable à tous?
   Un gouvernement croit-il donc gagner beaucoup quand il
cherche à empiéter sur tous les droits, à froisser les conscien-
 ces, à imposer sans cesse d'inutiles entraves? ne voit-il pas
qu'il accumule contre lui des flots de haine, qu'il sème des
germes de trouble et de révolte, et qu'il prépare sa propre
ruine ? Est-il donc possible que l'élroitesse de vue, la peur,
l'ambition, aveuglent tellement les hommes sur leurs propres
intérêts, car j'ose le dire, il est incroyable à quel point
pourrait se faire aimer, bénir, adorer un gouvernement qui
saurait se tenir dans ce rôle brillant et facile de proléger la
liberté de tous (1).
   Soyons justes cependant : il est impossible de réaliser du
premier coup toutes les conséquences d'un principe admis;
il faut quelque temps pour comprendre une nouvelle posi-
tion et se faire à ce qu'elle exige ; on ne peut en un jour
perdre de vieilles habitudes, et ce qui est vrai de l'individu est
encore bien plus vrai d'une société.

  (i) J'étais loin de prévoir, quand j'écrivais ces lignes (1846), que Pie IX,
souverain temporel , dût sitôt donner à mes paroles une confirmation si
éclatante.