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162 M. ALEXANDRE DUMAS. commencer par se respecter lui-même. Ayant compromis tout le monde, M. Dumas s'est donc vu renier par chacun. Ministres, dé- putés, c'était à qui se défendrait, à tort ou à raison, de lui avoir donné la mission que cependant il avait bien reçue de quelqu'un, comme il l'a dit lui-même en renvoyant aux ministres embarrassés affront pour affront, démentis pour démentis. Enfin, ayant pris huit jours pour délibérer, le tribunal civil, par l'organe de M. De- belleyme, son président, a rejeté comme inadmissibles les explica- tions données par M. Dumas, et a condamné l'écrivain indocile à exécuter, dans un délai fixé d'avance, les conditions du traité aux- quelles il prétendait se soustraire, sous peine de la contrainte par corps et de dommages-intérêts considérables. Tout cela ne saurait finir ainsi. On a dit que l'Espagne est le pays de l'imprévu. Après la patrie de Don Quichotte, nous ne con- naissons personne à qui ce propos puisse s'appliquer mieux qu'à M. Dumas. Et qu'est-ce donc lorsque M. Dumas est en Espagne ou lorsqu'il en revient? Avec lui, s'attendre à tout ce n'est pas assez dire : il faut ajouter encore le quibusdam aliis de Pic de la Mi- randole ! Aussi les incidents de toute nature naissent-ils au devant de l'auteur des Trois Mousquetaires avec autant de rapidité qoe les hommes sortaient de terre sous les pas de Deucalion. Le jour même où il venait d'improviser cette défense qui demeurera célèbre, M. Dumas pouvait, en regagnant sa voiture, lire sur les murs du Palais de Justice l'annonce de la saisie et de la vente de son do- maine, l'île de Monte-Cristo, exécution judiciaire à laquelle il a été sursis depuis lors, mais qui tôt ou tard sera reprise et conti- nuée, les destinées de la villa de Saint-Germain étant fatalement tracées d'avance par les fastueuses prodigalités de son propriétaire. Quant à nous, nous souhaitons de ne voir arriver que le plus lard possible cette conclusion inévitable, et nous désirons que M. Du- mas jouisse longtemps encore de l'habitation féerique où il exerce, dit-on, une généreuse hospitalité. Mais, en attendant, voici poindre à l'horizon un autre procès qui, s'il n'offre pas chance de détails piquants ou scandaleux, laisse entrevoir du moins une question fort intéressante à résoudre. 11 s'agit de savoir si un romancier peut fausser à son gré les traditions de l'histoire, et fairo jouer