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152 M. ALEXANDRE DUMAS. de préface, le public émerveillé peut apprendre que, pour garder son indépendance et resterfidèleà ses convictions, M. Dumas s'est démis de sa place de bibliothécaire, et qu'il a remercié le roi en ces termes : « Sire, il y a longtemps que j'ai écrit et imprimé que, chez moi, l'homme littéraire n'était que la préface de l'homme po- litique... L'âge auquel je pourrai faire partie d'une chambre régé- nérée s'approche pour moi... J'ai la certitude, le jour, où j'aurai trente ans, d'être nommé député ; j'en ai vingt-huit, Sire... Sire, le dévouement aux principes passe avant le dévouement aux hommes. Le dévouement aux principes fait les Lafayette ; le dévouement aux hommes fait les Rovigo. Je supplie Votre Majesté d'accepter ma démission. « Puis, plantant aussitôt son drapeau sur le terrain brûlant du ré- publicanisme, il y grave celte légende ; « Je veux que chacun puisse me souffleter avec cette préface si je professe jamais d'autres opinions. » Personne , heureusement, ne prit au sérieux ces singulières exagérations , que peuvent expliquer, sans recourir à certaines causes moins excusables, les circonstances exceptionnelles d'une époque de bouleversement et d'anarchie, et la versatilité naturelle à M. Dumas; car l'idole do la république n'était point encore voi- lée de crêpes funéraires que déjà l'auteur de la préface de Napoléon était rentré en grâce. Le duc d'Orléans devient son protecteur ; et, grâce à l'intervention de ce prince, M. Dumas sait bien obtenir sa bonne part des faveurs qu'on laisse tomber d'une main avare sur les écrivains, classe toujours déshéritée des encouragements du pouvoir. Ouaud le budget des lettres est épuisé, le romancier trouve crédit ailleurs, au ministère de la guerre par exemple, où l'on s'ima- gine un jour lui faire écrire aux frais de l'État l'histoire de tous les régiments de France. Enfin, pour qu'aucun nuage ne vienne obscurcir son heureuse étoile, on ménage à M. Dumas une scène de pardon dans les galeries de Versailles, et trois jours après le ruban de la Légion-d'Honneur brille à la boutonnière de l'historien des régiments de France à côté des décorations et des médailles étrangères dont aime à se parer, comme de verroteries, le petit-fils de la négresse des Antilles.