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                 LETTRES SUR LA SARDAIGNE.                    73
Cagliari présenta un spectacle enchanteur. C'était une va-
riété de costumes vraiment éblouissante : des hommes coiffés
de leurs grands bonnets de laine d'où s'échappaient, au mi-
lieu des cascades de fleurs et de rubans, deux immenses tres-
ses de cheveux noir», tombant jusqu'au milieu du dos ; pa-
rés d'élégantes vestes brunes ou écarlate, et de pantalons
blancs, fermés aux genoux dans des guêtres de peau brodées
en soie rouge et or : des femmes en jupe de laine couleur
écarlate, bordées de bandes noires ; étalant sur leurs
poitrines, ces fortes et belles poitrines qui font la beauté
typique des femmes sardes, des chapelets d'or, de perles
et de pierreries ; ayant la tête enveloppée dans de grands
voiles blancs et rouges, coquettement posés sur la galerie
d'un haut peigne d'écaillé, et les pieds emprisonnés dans
de petits souliers de satin : puis des pasteurs à grandes bar-
bes, les épaules recouvertes d'une peau de chèvre, et portant
ù la ceinture le terrible couteau que les Sardes n'abandon-
nent jamais : puis des moines de toutes les couleurs ; des
soldats, des enfants courant et se faufilant dans la foule.
Piétons, cavaliers, carrioles se croisaient, se heurtaient, s'en-
chevêtraient au milieu des cris et des vociférations qui se
perdaient dans un nuage de poussière : les chansons re-
 tentissaient dans les airs, les orchestres faisaient entendre
leurs accords, et les rondes dansantes se formaient a l'entour;
c'était une gaîté, un entrain, un ardent délire comme on
n'en trouve plus en France, ni dans notre vieille Europe.
   A midi, toutes les cloches de la ville carrillonnèrenten fête ;
le canon gronda dans les airs, et la musique militaire exécuta
de brillantes fanfares. Le saint sortait de son église,
 précédé de son brillant cortège. Les gardes nationaux ou-
vraient la marche : militaires superbes, montés sur de fort
jolis chevaux, armés de longs fusils arabes et revêtus d'un
costume moyen-âge, rouge et noir, d'un elFet très pittores-