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LETTRES SUR LA SARDAIGNE. 69 ne cesse jamais de bouillonner, il souffle par la bouche et respire par le nez tout à la fois, et, quand il est parvenu à transformer son gosier en un véritable soufflet ù soupape, son éducation est terminée. L'instrument rappelle la dou- ble flûte des anciens ; il se compose de trois tuyaux de ro- seaux de différentes longueurs et armés d'anches comme celle du hautbois; deux de ces tuyaux sont percés de trous, le troisième forme la basse et ne donne qu'une note ronflante et caverneuse. Sur cette sorte de flageolet primitif, ils exé- cutent des airs plus primitifs encore, mais dont quelques-uns ne sont pas dépourvus d'une sauvage et mélancolique harmonie, le ballot sarde surtout, le chant national du pays et que je me serais fait un plaisir de vous noter si mes connaissan- ces musicales me l'avaient permis. Elles m'ont permis pour- tant de remarquer que toutes ces mélodies étaient mesurées par une cadence ternaire. Cette modalité du temps et du mouvement semble, du reste, régler tous les actes du Sarde. Je consacrais quelques jours à visiter les grands et beaux villages qui égaient les environs de Cagliari : Pirri dont les blanches maisons, cachées sous les rameaux odorants des figuiers et des orangers, s'étendent sur les rivages d'un lac immense, que traversent des troupes de flamands aux ailes roses; Sextou renommé par la beauté de ses femmes à la taille riche et élancée, aux costumes élincelants; et Quar- lou, la ville du vin muscat le plus exquis, et avec lequel je fis ample et joyeuse connaissance ; puis enfin je m'oc- cupais de mes préparatifs de départ pour l'intérieur de l'île. Je fis l'emplette d'un cheval ; fort joli cheval, ma toi, œil intelligent, crinière ondoyante, muni, comme tout cheval sarde, de son exlrail de baptême attestant qu'il répondait au nom de Fiorindo, et qu'il était issu de Zachella et de Notario ; ce qui m'était bien égal, et à vous aussi, cher