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LETTRES SDR LA SARDAIGNE. 63 tudes gouvernementales qui ont longtemps déchiré cette île, jadis florissante, ont porté dans sa législation une incohérence fâcheuse, mais le droit romain, qui est encore invoqué dans les procès civils, corrige les contradictions et les lacunes de cette législation. Trois plaies, plaies profondes et presque incurables dé- solent la Sardaigne; ce sont: les pasteurs, les nobles et le clergé. Les pasteurs, restes perdus de ces populations nomades et bibliques de l'orient, dont ils ont conservé les mœurs et même le costume, parcourent la Sardaigne, chassant devant eux d'immenses troupeaux de brebis et de chèvres, viennent camper sans respect pour les récoltes, dans les contrées les plus fertiles, puis disparaissent, portant ailleurs la ruine et la dévastation. L'organisation ou la réforme de la justice cantonale, l'établissement de la propriété et sa division, l'érection des clôtures, et enfin une bonne compagnie de gendarmes mettront un terme à ce fléau dévastateur. Au reste, le gouvernement est entré depuis quelques années dans ces voies de réforme, et déjà les pasteurs repoussés par les nouveaux propriétaires, commencent à abandonner la plaine et se réfugient dans les déserts ou sur le sommet des montagnes. Mais, si le système pastoral et la vaine pâture ruinent la Sardaigne, et rendent impossibles tous progrès agricoles ou industriels, la féodalité, forte et puissante comme aux beaux jours du moyen-âge, produit des désordres plus funestes encore. En effet, sur une population, jadis de deux millions d'habitants, réduite aujourd'hui au chiffre de huit cent mille, trois cent soixante seize seigneurs font peser le poids de leur sceptre gothique. Ces châtelains orgueilleux et avides, dont la suzeraineté remonte à l'époque de la domi- nation espagnole en Sardaigne et en Italie, sont pour la plupart catalans, arragonais ou castillans d'origine. Indé- pendants des tribunaux ordinaires, mais jugés par leurs pairs,