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MADEMOISELLE DE MAGLAND. 499 A la vue de Raoul, toute la colère qui bouillonnait depuis longtemps dans le sein d'Auguste, fit explosion.—Raoul, s'écria-t-il en lui serrant le bras, vous êtes un méchant homme !—et comme il le vit tressaillir : — Ne faites point de mélodrame avec moi, ce serait peine perdue ; n'outrtigez pas la plus noble et la plus infortunée des femmes par votre stérile pitié ; vous l'avez lâchement abandonnée au moment où la pauvre et chère créature n'avait plus que vous pour appui, laissez-la à la douleur que vous ne méritiez pas de cau- ser. Je ne peux pas la venger sans la déshonorer, mais j'ai le droit de vous dire et de vous forcer à entendre, que vous êtes un méchant homme. Je sais qu'il est reçu que l'amour est un terrain libre où l'on peut tout oser; comme à la guerre on frappe, on blesse, on tue, c'est forfait de bonne compagnie ; partout ailleurs on est plein d'humanité, on est bon fils, bon frère, bon maître, doux à ses chiens et à ses chevaux ; votre simple parole de gentilhomme, don- née à l'un de vos semblables, vous lie d'une manière irrévocable, et vos serments réitérés à la femme de votre choix sont oubliés sans remords aussitôt qu'ils gênent vos caprices et vos passions ! Un homme peut se conduire vis-à -vis d'une femme comme un mi- sérable, il peut briser impunément toute une destinée, ce n'est rien ; on n'en est pas moins un homme très honnête et très moral. Raoul, je n'ai jamais fait profession d'être un homme vertueux, je ne me pose point en puritain, mais je hais les cafards et les hypocri- tes. — Raoul, pâle et muet, écoutait ces dures paroles sans avoir la force d'y répondre ; son regard seul semblait demander grâce. — Ne me condamne pas sans m'entendre, Auguste, dit-il enfin; tu ne sais pas quel funeste hasard m'a attaché la lourde chaîne ri- vée à mon avenir comme l'anneau de fer à la cheville du galérien. Il est des fautes, dont les suites mettent à la merci d'autruî notre bonheur, notre avenir, tout enfin. — Vous vous trompez; je n'i- gnore rien ; je sais que vous avez cru remplir ce qu'on appelle un devoir de probité ; mais pour peu que cette résolution eût coûté à votre cœur, vous vous seriez dit que le devoir et l'honneur ne pouvaient vous commander d'assassiner celle qui vous aimait d'un amour à faire envie aux anges, pour racheter le fragile honneur de la femme qui n'a pas craint d'avoir recours aux plus honteuses