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358               DE LA FAUTE DE l/HOMME
qui la rend le fait le plus remarquable de l'ordre de la pensée,
elle a accepté complètement la condition de l'homme, telle
que la chute la lui a faite. Aussi n'y a-t-il rien dans le
monde, qui soit à la fois plus louable et plus condamnable,
plus magnifique et plus malheureux, plus élevé et plus abais-
sé, mais en môme temps plus intéressant et plus digne d'une
noble attention que la philosophie. La philosophie, c'est
l'homme.
    Elle a été de tout temps le thermomètre de la nature hu-
maine, s'élevant ou s'abaissant avec les civilisations, et se
reniant, dans le scepticisme, chaque fois que l'être moral se
renie, la veille de la chute d'un Empire ! Dans une même
Société, elle marquera la nature des différentes catégories des
hommes, par le système qu'ils adoptent; car chacun entre,
qu'il le sache ou qu'il l'ignore, dans la doctrine qui a été
faite sur la mesure de son cœur.
    Néanmoins, comme l'esprit humain suit la grande marche
de la civilisation humaine, la vraie philosophie ira aussi en
se dépouillant chaque jour d'une écorce de l'orgueil; quoique,
d'un autre côté, elle tiendra un ouvrier sans cesse occupé à
creuser un abîme pour ceux qui veulent s'y jeter. Chaque fois
 que la Société humaine sera ébranlée, c'est-à-dire, chaque
fois que, pour un progrès de l'humanité, le phénomène de
 la chute se renouvellera afin de remettre périodiquement en
 question devant la liberté, la grande loi de l'acceptation et
 de la responsabilité humaine, la philosophie aussi reprendra
 depuis le pied la terrible question posée par la chute. Voyez
 ce qui s'est passé sous nos yeux !
   D'abord c'est le scepticisme : comme l'homme voudrait ne
rien voir au dessus de lui, il se décide à nier tout. Ensuite,
c'est le sensualisme : l'homme s'est redressé dans la vanité
de son corps, et il nie l'esprit dans la crainte qu'il lui soit
supérieur. Puis c'est l'idéalisme : l'homme s'est enorgueilli