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344              DE LA FAUTE DE      I/HOMME

la chute du premier homme, car cette chute se renouvelle
tous les jours. Tous les jours nous rencontrons au milieu de
nous des hommes qui pensent réellement que la raison et
toutes ses lumières, la liberté morale et toutes ses vertus,
l'empire sur les passions, tous nos développements enfin, ont
leur source exclusivement en eux-mêmes; car tout ce qui ne
vient pas de soi fatigue celui qui n'aime pas. Cependant ils
devraient bien voir que leur corps, qui n'est qu'une matière,
emprunte continuellement sa substance à la nature ; que
d'eux-mêmes ils ne peuvent rien conserver. Ils devraient
s'apercevoir enfin qu'ils ne créent pas leurs organes ; que
tout ce qu'ils peuvent faire, c'est de s'en servir librement.
   Si l'homme sent qu'il lui manque de la raison ou
de l'empire sur lui-même , comme il ne peut se donner
ce qu'il n'a pas, puisqu'il ne l'a pas, il faut nécessairement
que son ame aille, comme son corps, puiser ces biens à leur
source. Celle source intelligible, dans son mouvement naturel
d'amour, n'attend que le moment où. elle sera attirée par le
désir de la libre créature, afin de ne descendre en elle que
d'une manière qui lui soit profitable. Cet acte de liberté hu-
maine se manifeste par la prière et par l'usage des sacrements
 divins, qui sont les canaux par lesquels la substance divine
s'introduit en nous sans violer notre nature.
   Mais l'homme orgueilleux, ou sans amour, s'abstenant de
prier et de se placer humblement dans les rapports néces-
saires qui doivent exister entre notre ame et Dieu, empêche
aux immuables lois de la créoconservalion spirituelle de s'o-
pérer. Dieu, pour préserver la liberté, est obligé de retenir
le flot de la substance conservalrice et d'en priver la créature
qui, bientôt réduite à sa propre misère, tombe de chute en
chute dans les degrés multipliés du non-être ou du mal. Aussi
s'aperçoit-on, même dans le monde, que l'absence de religion
devient la source de tous les maux.