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336 DE LA FAUTE DE L'HOMME La foi naît d'abord du cœur; puis, elle repose sur le senti- ment de l'absolu, comme le doute repose sur le sentiment du relatif. On se figure que ce dernier est une base ! Et les hom- mes du relatif finissenl par être tellement plongés dans cette illusion qu'ils méprisent volontiers les premiers. Ayant mis là le positif, leur idée de la réalité, ils considèrent les autres comme des rêveurs. Voyez ici combien il importe que la rai- son, qui est le sens de l'absolu, prédomine en nous sur l'in- telligence, qui est le sens du relatif! Au reste, le développement dans l'homme de l'une ou de l'autre de ces deux facultés dépend toujours du cœur. Le cœur qui se passionne pour ce qui est grand et noble, pour le beau, le vrai, l'idéal, ce qu'on appelle un cœur élevé, s'a- dressera toujours à la raison , elle seule lui montre ce qu'il cherche. C'est ainsi que la raison se développera plus particu- lièrement chez l'homme d'un cœur élevé. Le cœur qui se pas- sionne pour ce qui est petit et vulgaire, pour l'intérêt, le bien présent, la vanité, ce qu'on appelle un cœur étroit, s'a- dressera toujours à l'esprit , lui seul le conduit à ce qu'il cherche. C'est ainsi que l'intelligence se développera plus particulièrement chez l'homme qui a peu de cœur. Selon que vous verrez prédominer, chez un homme, une haute raison ou le bel esprit, la sagesse ou seulement la pru- dence, vous saurez si c'est l'amour ou si c'est l'égoïsme qui, dès sa jeunesse, a présidé à la formation de son cœur. Ce sont là des faits infaillibles. Dans une époque d'égoïsme, vous verrez toujours l'intelligence prédominer sur les sentiments ; l'intelligence c'est le moi, et les sentiments viennent avec la raison. En sorte que, c'est le cœur qui décide en nous de la prédominance de la raison sur l'intelligence, des sentiments sur le calcul, de la foi sur le doute. Y a-l-il jamais existé un homme vraiment de génie qui n'ait pas eu beaucoup de cœur? c'est là précisément ce qui manque aux hommes d'esprit. Le