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256                MADEMOISELLE DE MAGLAND.
pays catholique. — Le tour bouffon de cette remarque, vraie dans
le fond, attira le rire sur toutes les lèvres, excepté sur celles d'Alix,
qui allait essayer de riposter quand on aperçut la petite ferme, but
de la promenade ; tout y respirait l'ordre et la propreté. La cour
était tout entière ombragée d'un vaste tilleul, dont les branches
courbées descendaient presque jusqu'à terre ; trois ou quatre mar-
ches entre lesquelles croissaient des violettes, conduisaient dans la
pièce qui, en Suisse, sert de cuisine et de salle à manger, et tient
lieu de salon. On caressa les beaux enfants de la fermière, qui offrit
du lait à Marie et à Alix, pendant que les hommes concluaient le mar-
ché du bahut qui fut trouvé magnifique.
   Au retour, on trouva le dîner servi sur une roche qui, semblable
à la table du roi Arthus, s'étendait au bord du lac, à l'entrée du
bois de la Bâtie ; la terre était tapissée tout à l'entour de plantes
des montagnes qui mêlaient leurs frêles senteurs au souffle frais du
lac. Çà et là s'élevaient d'épais buissons entre les chênes et les pins.
Ce coin de terre caché dans une échancrure du rivage n'était fré-
quenté que par des pâtres qui y menaient leurs troupeaux. On s'é-
tablit sous les arbres, et la plus franche gaîté présida à ce repas
champêtre. Après le dîner, on lança les filets qui furent laissés
à la garde de M. de Magland et de son oncle, et le fusil à la main,
Marie et Auguste se mirent à parcourir le bois. A chaque détona-
tion, Alix jetait un cri de frayeur et venait se réfugier près de
Raoul, qui dessinait les ruines 'd'une chaumière couverte par les
plantes qui avaient pris racine sur ses vieux murs, et par les ra-
meaux d'un rosier multiflore, dont les capricieuses guirlandes re-
tombaient autour de l'unique fenêtre à laquelle pendait un volet dé-
labré. — M. Baudéant, dit Alix qui s'ennuyait, est-ce que nous
allons rester encore bien longtemps ici ? Il me semble que le temps
se gâte. — Laissez-moi finir mon croquis, je vous en prie, répondit
Raoul, qui, absorbé par son travail, no remarquait pas d'épais nua-
ges couleur 'de soufre s'amoncelant du côté du couchant. — Mais
c'est que mon chapeau et ma robe seront abîmés s'il pleut, insista
Alix avec assez d'humeur, en voyant que Raoul ne bougeait pas
— A cet instant, arrivaient M. de Magland et son oncle, qui rappc
laient Auguste et Marie, — Il n'y a pas un instant à perdre, dirent