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                                 DU BOGEV.                                  99

le fameux olyphant ou cornet d'ivoire, orné de figures cise-
lées, connu des antiquaires sous le nom d'olyphant de la
Charlreuse de Portes (1).
    C'est déjà une coïncidence très surprenante de trouver dans
une grotte, qui porte le nom de Roland, un olyphant d'un
travail précieux, tel que les peintres ou les poètes ne déco-
reraient pas d'un plus beau l'illustre neveu de Charlemagne.
Mais lorsqu'en face de cette caverne est une montagne où
le nom des Sarrasins est inscrit depuis des siècles, lorsqu'une
tradition constante révèle qu'ils ont occupé des positions dans
ces lieux mêmes, on peut assurément se livrer à des suppo-
sitions que ne démentent pas les données de l'histoire. Il est
incontestable que depuis Charles-Martel jusqu'à Conrad-le-

   (i) Les pâtres qui découvrirent ce cor d'ivoire, le portèrent à la Char-
treuse de Portes, située dans ces mêmes montagnes. Les Chartreux l'ont
conservé jusqu'à la Révolution. Ils attachaient un si grand prix à cette belle
antiquité, qu'ils la firent enfermer dans un étui de cuir, historié, dont
les ornements ne sont pas trop disparates avec les ciselures de l'ivoire.
A l'époque de la Révolution, le prieur Dom Mérille, craignant pour ce
précieux objet, le mit en dépôt à Lagnieu, chez M. Bourdin, juge-mage
du marquisat de Saint-Sorlin. Il y resta jusqu'au temps où, les couvents
étant supprimés, un commissaire du gouvernement fit l'inventaire du mo-
bilier de la Chartreuse. Après les Chartreux, M. Thomas Riboud, de Bourg,
fut l'heureux possesseur de l'olyphant.
   Il est, sans doute, à regretter qu'il n'ait pas été remis à un établissement
public. Mais puisqu'il devait passer aux mains d'un particulier, nul n'était
plus digne d'en être le détenteur que cet archéologue distingué qui, dès
l'année 1781, avait fait une notice sur ce précieux monument du moyen-
âge, notice que M. Dupuy, secrétaire perpétuel de l'Académie des Ins-
criptions et Belles-Lettres, inséra dans le Journal des Savants. Puisque nous
retraçons les illustrations de notre province, ajoutons que le savant aca-
démicien Dupuy était issu d'une honorable famille de Chazey sur ain dans le
Bas-Bugey. Le magnifique olyphant est aujourd'hui dans le cabinet du duc de
Luynes. L'Univers pittoresque en a donné le dessin sous le titre de France,
XIe siècle, pag. 229.