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                         ODES ET POÈMES.                          371

sent. Une certaine dose de subjectivité humectant le moule ra-
jeuni du vers, voilà de quoi contenter tout le monde. Mais en-
suite ne tentez pas de pousser à l'innovation, ne cherchez pas à
faire sortir le char de l'ornière étroi te, pour courir à travers quel-
ques larges plaines vers l'inconnu, car la critique est là qui
vous crierait : le cœur humain, qu'en faites-vous? vous l'ou-
bliez. C'est l'élément essentiel, sans lequel toute poésie est im-
possible. N'allez pas trop interroger la nature ou Dieu. Mais
le cœur humain, tenez-vous y.
       Le cœur humain de qui ? Je cœur humain de quoi?

a dit un fringant poète qui revendiquait pour son excentrique
héros le droit d'avoir un moi et de le produire, dût-il effa-
roucher un peu les pruderies de ses contemporains.
    L'auteur de Psyché, en se rangeant dans la famille des
poètes objectifs, s'est donc par cela même franchement séparé
de ses émules. En quoi, en effet, PsijcM révéle-t—elle la per-
sonnalité du poète ? en quoi même le nouveau volume qui de-
vrait plus particulièrement la refléter la fait-elle reconnaître?
Le poète s'est abstrait de son œuvre qui se développe hors de lui
et d'après un plan préconçu. Et c'est précisément parce que
M. de Laprade ne se laisse pas dominer par ses impressions,
emporter par un lyrisme vagabond que ses poésies sont admi-
rables de proportions et d'ordonnance, qualités si rares de nos
jours, que M. de Lamartine, ce Jupiter de la poésie moderne,
n'a peut-être pas deux pièces qui ne pèchent dans leur plan
et par l'exagération de leur développement.
   La poésie objective est, d'ailleurs, la poésie normale des
nations; l'antiquité n'en a pas connu d'autre. Elle suppose
chez l'écrivain un certain ensemble de croyances ou d'idées
en vertu desquelles il chante, tandis que la poésie subjective
au contraire implique l'isolement, le doute, l'égoïsme abou-
tissant tantôt à la douleur, tantôt à Pépicuréisme. Ce qui fait