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A BOURGOm. 33 pluie d'averse qui se prolongea aussi longtemps que la pro- menade, refroidit singulièrement leur admiration. Contrariés en route par l'orage, ils se trouvèrent encore plus désappoin- tés en arrivant au terme de leur course, sur les hauteurs du Mont-Pilal : pour se remettre, ils s'eurent qu'un mauvais gîte, le souper fut maigre et détestable ; du foin ressuant et tout mouillé leur servit de lit ; Rousseau auquel on fit les honneurs, eut un matelas, mais rembourré de puces. Seul, il ne manqua pas de philosophie en celte circonstance; habitué aux coups du sort, il sut prendre son parti en brave. La patience ne l'abandonna qu'au retour, chemin faisant, voici à quel sujet: il était contrarié dans ses éludes, distrait de ses recherches par les demandes, par les observations incessantes du docteur Ménier qui se regardait comme son élève en botanique, et voulait, sous sa direction, commencer un herbier : tantôt ce médecin l'accablait de questions inopportunes, tantôt abordant Jean-Jacques en triomphe, el d'un air de connaisseur, il lui montrait une plante, dont il ignorait les caractères, c'était par exemple le napel qu'il prenait pour l'ancolie, en voulant le déterminer. Pour mettre le comble aux contrariétés du voyage el à la mauvaise humeur qu'elles réveillaient, un dogue énorme vint attaquer et massacra à demi Sultan, le chien favori de Jean- Jacques; le pauvre animal blessé, épouvanté, s'égara dans sa fuite, on le crut perdu, mais quel ne fut pas l'étonnement de Rousseau, lorsqu'après six jours d'absence, retournant à Montquin, Sultan se précipita à sa rencontre; il était guéri, avait traversé le Rhône à la nage, fait plus de douze lieues à travers des pays inconnus, pour rentrer dans l'habita- tion de son maître. Ce dernier jura et tint parole de ne plus entreprendre d'excursions scientifiques en pareilles conditions. L'histoire de ce malencontreux pèlerinage au Monl-Pilat cou- rut le monde, fit grand bruit, on rit des tribulations du philo— 3