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186 LOUISE LABÉ. c'est celui de cultiver leur esprit, non aux dépens de leurs au- tres qualités morales, mais en les perfectionnant encore. Qui a donné le premier signal de ce progrès moral? Qui la pre- mière a osé prier « les vertueuses dames d'esleuer un peu leurs esprits par-dessus leurs quenoilles et fuseaus? » Certes, le conseil était hardi, formulé en termes si nets et si précis; cet acte de haule indépendance, ce manifeste d'un droit in- contestable dut retentir h travers les siècles. Il s'appuie sui- des considérants légitimes et éminemment respectables. Ce n'est ni le goût des parures et des ajustements, ni la folle envie de plaire et de se répandre au dehors, de faire parler de soi, ni l'appât dangereux d'une rétribution qui n'exis- tait pas encore pour les travaux de l'esprit, qui furent les pre- miers mobiles de cette détermination toute spontanée, puisée dans un besoin du moment, dans l'accomplissement d'un progrès nécessaire à l'éducation de la femme. Aussi Louise Labé vivra-t-elle tout entière dans cet écrit de quelques pages, qui la place à côté des grands noms qui ont illus- tré le siècle suivant : les Rochechouarl et les Lafayetle, les Longueville, les Simiane, et même les Sévigné. Car ce qu'il faut voir avant tout dans une femme qui a laissé quelques ou- vrages, c'est la trempe de son esprit. Celui de Louise Labé fut éminemment français, grand, poétique, noblement inspiré, modeste surtout. Gardons-nous de compter les lignes qu'elle a laissées, si elle a su renfermer toute son ame en quelques pages, en deux ou trois élégies, en quelques sonnets pré- cédés d'une préface où il semble que l'inspiration, la mo- ralité d'une mission littéraire soit contenue tout entière. Au milieu de ce XVIe siècle, qui fut la belle époque de Lyon érudit, savant et lettré, notre ville posséda une femme qui eut autant de gaîté, de sel dans l'esprit, de joyeuse humeur dans le caractère, de grâces dans toute sa personne que ja- mais femme ait eu de tout cela; qui n'usa d'aucune de ces