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                         LOUISE LABÉ.                        201

et qui osent écrire ce que tout le monde est plus ou moins
exposé à éprouver.
   Cette dernière remarque nous ramène au dernier sonnet
de Louise Labé. Ce sonnet à une teinte épigrammatique, ou,
si l'on veut, il se trouve empreint d'une plus forte touche
mélancolique que les autres. Le poète est au bout de sa course.
Elle ne se sent pas tout-à-fait exempte de ces reproches qu'elle
a voulu atténuer par sa constance à les exprimer et elle
s'écrie ;

         « Ne reprenez, Dames, si i'ay aymé :
         Si i'ay senti mile torches ardentes,
         Mile trauaus, mile douleurs mordantes:
         Si en pleurant i'ay mon tems consumé,

         Las que mon nom n'en soit par vous blâmé.
         Si i'ay failli, les peines sont présentes,
         N'aigrissez point leurs pointes violentes :
         Mais estimez qu'Amour, à point nommé,

         Sans votre ardeur d'un Vulcan excuser,
         Sans la beauté d'Adonis accuser,
         Pourra, s'il veut, plus vous rendre amoureuses ;

         En ayant moins que moi d'occasion,
         Et plus d'estrange et forte passion.
         Et gardez vous d'estre plus malheureuses.

   Cet art est d'accuser les circonstances de deux positions
assurément différentes, celle des vertueuses dames de son
temps et la sienne, sans éveiller chez les premières des sus-
ceptibilités trop vives et trop tranchées, de faire la critique
de la société sans en sortir, de plaider les droits de la liberté
d'un sexe sans porter trop ample préjudice à l'autre, n'a été
bien connu que de Louise Labé, et la conclusion se trouve